Comment est né le projet « À table les souvenirs » ?
Natacha Vergnaud : L’organisation d’animations culinaires s’est faite assez naturellement, sous différents formats : des ateliers goûts, des repas thérapeutiques et même des ateliers « pluches » de fruits et légumes, permettant aux résidents de participer à la préparation des repas. Mais toutes ces initiatives sont pour le moment un peu « précaires », dans le sens où elles ne disposent pas d’équipements spécifiquement dédiés à cela.
Emerance Schünemann : Par exemple, il peut nous arriver d’amener des crêpières ou des plaques de cuisson portatives sur un simple chariot inox. Nous sommes donc rapidement limités dans les recettes et les activités que nous pouvons proposer. Et si nous voulons réaliser des gâteaux, nous devons utiliser le four de la cuisine, qui n’est pas toujours libre. Or, ces ateliers, qui regroupent 8 à 11 résidents, connaissent un réel succès. C’est pourquoi il nous paraissait intéressant d’étendre la démarche avec l’installation d’une cuisine mobile garnie d’ustensiles et de matériels adaptés.
Pourquoi avoir décidé de participer au Prix de l’Institut Nutrition 2024 ?
Natacha Vergnaud : Nous croyons fortement dans ce projet, que nous avons donc souhaité faire connaître et financer. Car, pour l’installation de la cuisine mobile, nous avons besoin de fonds. En étant lauréats du Prix de l’Institut Nutrition, nous avons reçu un chèque de 10 000 euros, qui nous permettra de construire la cuisine mobile, d'acquérir tous les ustensiles qui vont la garnir et de financer en partie son inauguration. L'EHPAD Résidence Quiétude s'est également engagé à compléter cette enveloppe si nécessaire. Mais l’obtention de ce prix est déjà une aubaine, qui va au-delà du seul volet financier : notre idée a été récompensée et, pour nous, c'est une grande fierté.
Comment imaginez-vous cette future cuisine mobile ?
Natacha Vergnaud : Bien que le projet ne se soit pas encore physiquement concrétisé, nous y avons déjà beaucoup réfléchi et sommes d’ailleurs en train d’analyser les différents devis reçus. Vous l’aurez compris, la particularité de cette cuisine réside dans sa dimension mobile. Elle sera donc équipée de roulettes pour pouvoir être transportée dans tous les secteurs, y compris ceux où les résidents sont eux-mêmes moins mobiles. Certains ne sont par exemple plus en mesure de descendre vers la salle à manger. C’est alors la cuisine qui viendra vers eux, pour qu’ils puissent participer, ou du moins assister, aux ateliers culinaires. Nous pensons maintenir l’organisation en groupes de 8 à 11 résidents, accompagnés du personnel soignant du jour, de l’animatrice et d’Emerance Schünemann, la diététicienne de l’établissement.
Comment avez-vous conceptualisé le module qui servira de cuisine mobile ?
Emerance Schünemann : Nous avons fait appel à des cuisinistes pour qu’ils nous fassent des propositions. Nous avons aujourd’hui une vision 3D de la cuisine que l’on souhaiterait avoir, et une proposition de matériel avec des devis. Ce travail préparatif nous a permis de penser à un module véritablement adapté à ses usages et à ses usagers. Par exemple, le four sera équipé d’une porte rabattable permettant aux résidents de s’en approcher le plus près possible, et pouvoir ainsi enfourner plus facilement les plats. Le plan de travail sera quant à lui rabaissé à la hauteur d'un fauteuil roulant pour que les résidents puissent aisément s’installer devant la table de cuisson.
Rencontrez-vous d’autres contraintes techniques ?
Natacha Vergnaud : Nous sommes actuellement en pleine réflexion sur le volet électrique, car plusieurs équipements de cette cuisine, comme le four ou la plaque de cuisson, nécessitent une alimentation spécifique. Nous sommes là aussi en train d’étudier des devis d’électriciens pour installer des prises spécifiques dans quatre lieux au sein de l’établissement.
Comment s’organiseront ces ateliers à l’avenir ?
Natacha Vergnaud : Alors qu’actuellement, nous ne pouvons proposer des ateliers culinaires qu’une fois par mois, dans un seul lieu de l’établissement, sur les repas et non sur les collations, nous aimerions augmenter la fréquence pour organiser deux repas thérapeutiques par mois, et un goûter toutes les semaines. Ce dernier point est un axe que nous souhaiterions réellement développer, avec la confection de gâteaux qui seront ensuite consommés par tout l'étage où s’est déroulée l’activité. Ceux qui ne participeront pas à l’atelier, par choix ou par incapacité, pourront également venir, pour regarder, goûter, écouter, ou tout simplement profiter des bonnes odeurs de cuisson !
Emerance Schünemann : Ces odeurs sont d’ailleurs importantes d’un point de vue thérapeutique, car elles ouvrent littéralement l’appétit. Le maintien des gestes culinaires y contribue également. Éplucher des légumes et des fruits, battre les œufs, cuire des aliments… Toutes ces actions que nous pratiquons quotidiennement à domicile sont importantes pour une bonne nutrition. Sans oublier le plaisir qui en découle ! C’est un point sur lequel nous travaillons aussi au sein de ces ateliers, en consultant les résidents et en leur permettant de cuisiner et de manger des plats qu'on ne peut pas proposer habituellement en restauration collective : des œufs au plat, une fondue savoyarde, un barbecue…
Justement, comment centralisez-vous toutes les propositions émises par les résidents ?
Emerance Schünemann : Ces propositions nous sont principalement soumises au moment des commissions des menus, qui sont des moments d’échange importants, durant lesquels les résidents sont invités à exprimer leurs souhaits. Lorsqu’un plat ne peut être réalisé dans le cadre d’un repas classique, nous l’orientons donc vers l’atelier. Dernièrement, certains ont par exemple demandé à manger du foie de veau. Or cet abat requiert une cuisson minute. Il est quasiment impossible d’en cuisiner pour tout l’EHPAD, mais cela est tout à fait possible en atelier et à destination d’un groupe restreint. Les ateliers amènent d’ailleurs également de nombreux échanges, sur les goûts de chacun, les habitudes culinaires, mais aussi les souvenirs. De nombreux résidents évoquent par exemple régulièrement leurs anciens potagers.
Vous évoquiez l’impact positif de ces animations sur l’appétit des résidents. Constatez-vous des améliorations ?
Emerance Schünemann : Lors des ateliers, tout est consommé. Les assiettes sont vides. Il n’y a pas de gâchis. Le fait d'être en petit groupe et d’avoir cuisiné les aliments entre clairement en ligne de compte. Les résidents mangent avec plaisir et veulent faire plaisir. Certains s’efforcent d’ailleurs parfois de finir leur assiette pour « faire plaisir » aux autres. On observe donc effectivement, dans ces petits groupes, un effet réellement bénéfique sur la prise alimentaire, y compris lorsqu’il s’agit de personne ayant notoirement un petit appétit ou souffrant d’une perte d'appétit.
Natacha Vergnaud : Pour compléter et étayer ces observations, l’Institut Nutrition nous encourage d’ailleurs à réaliser une étude mesurant l’impact de la cuisine mobile et des ateliers Cuisine sur la nutrition des résidents. Nous travaillerons ici en partenariat avec l’Institut Nutrition et un centre de recherche dédié, pour mener une première enquête à T0, lors de l’inauguration du chariot en février ou en mars 2025. Cela nous permettra de disposer de données de départ pour pouvoir ensuite réaliser d’autres enquêtes, et ainsi évaluer l’impact de la démarche à court et moyen terme. À l’issue de ces travaux, une communication sera effectuée auprès des agents, des résidents et des familles, et peut-être également en extérieur, lors d’évènements dédiés à la nutrition. Mais nous nous projetons ici sur plusieurs mois ou années. Nous restons pour l’instant focalisés sur les dernières étapes de création de la cuisine mobile, et sur l’organisation d’une cérémonie d’inauguration. Nous souhaitons d’ailleurs mobiliser les résidents dans ces réflexions, en faisant de cette cérémonie la thématique principale d’un atelier qui aura lieu lors de la semaine nationale de la dénutrition, du 12 au 19 novembre 2024.
> Article paru dans Ehpadia #37, édition d'octobre 2024, à lire ici
Natacha Vergnaud : L’organisation d’animations culinaires s’est faite assez naturellement, sous différents formats : des ateliers goûts, des repas thérapeutiques et même des ateliers « pluches » de fruits et légumes, permettant aux résidents de participer à la préparation des repas. Mais toutes ces initiatives sont pour le moment un peu « précaires », dans le sens où elles ne disposent pas d’équipements spécifiquement dédiés à cela.
Emerance Schünemann : Par exemple, il peut nous arriver d’amener des crêpières ou des plaques de cuisson portatives sur un simple chariot inox. Nous sommes donc rapidement limités dans les recettes et les activités que nous pouvons proposer. Et si nous voulons réaliser des gâteaux, nous devons utiliser le four de la cuisine, qui n’est pas toujours libre. Or, ces ateliers, qui regroupent 8 à 11 résidents, connaissent un réel succès. C’est pourquoi il nous paraissait intéressant d’étendre la démarche avec l’installation d’une cuisine mobile garnie d’ustensiles et de matériels adaptés.
Pourquoi avoir décidé de participer au Prix de l’Institut Nutrition 2024 ?
Natacha Vergnaud : Nous croyons fortement dans ce projet, que nous avons donc souhaité faire connaître et financer. Car, pour l’installation de la cuisine mobile, nous avons besoin de fonds. En étant lauréats du Prix de l’Institut Nutrition, nous avons reçu un chèque de 10 000 euros, qui nous permettra de construire la cuisine mobile, d'acquérir tous les ustensiles qui vont la garnir et de financer en partie son inauguration. L'EHPAD Résidence Quiétude s'est également engagé à compléter cette enveloppe si nécessaire. Mais l’obtention de ce prix est déjà une aubaine, qui va au-delà du seul volet financier : notre idée a été récompensée et, pour nous, c'est une grande fierté.
Comment imaginez-vous cette future cuisine mobile ?
Natacha Vergnaud : Bien que le projet ne se soit pas encore physiquement concrétisé, nous y avons déjà beaucoup réfléchi et sommes d’ailleurs en train d’analyser les différents devis reçus. Vous l’aurez compris, la particularité de cette cuisine réside dans sa dimension mobile. Elle sera donc équipée de roulettes pour pouvoir être transportée dans tous les secteurs, y compris ceux où les résidents sont eux-mêmes moins mobiles. Certains ne sont par exemple plus en mesure de descendre vers la salle à manger. C’est alors la cuisine qui viendra vers eux, pour qu’ils puissent participer, ou du moins assister, aux ateliers culinaires. Nous pensons maintenir l’organisation en groupes de 8 à 11 résidents, accompagnés du personnel soignant du jour, de l’animatrice et d’Emerance Schünemann, la diététicienne de l’établissement.
Comment avez-vous conceptualisé le module qui servira de cuisine mobile ?
Emerance Schünemann : Nous avons fait appel à des cuisinistes pour qu’ils nous fassent des propositions. Nous avons aujourd’hui une vision 3D de la cuisine que l’on souhaiterait avoir, et une proposition de matériel avec des devis. Ce travail préparatif nous a permis de penser à un module véritablement adapté à ses usages et à ses usagers. Par exemple, le four sera équipé d’une porte rabattable permettant aux résidents de s’en approcher le plus près possible, et pouvoir ainsi enfourner plus facilement les plats. Le plan de travail sera quant à lui rabaissé à la hauteur d'un fauteuil roulant pour que les résidents puissent aisément s’installer devant la table de cuisson.
Rencontrez-vous d’autres contraintes techniques ?
Natacha Vergnaud : Nous sommes actuellement en pleine réflexion sur le volet électrique, car plusieurs équipements de cette cuisine, comme le four ou la plaque de cuisson, nécessitent une alimentation spécifique. Nous sommes là aussi en train d’étudier des devis d’électriciens pour installer des prises spécifiques dans quatre lieux au sein de l’établissement.
Comment s’organiseront ces ateliers à l’avenir ?
Natacha Vergnaud : Alors qu’actuellement, nous ne pouvons proposer des ateliers culinaires qu’une fois par mois, dans un seul lieu de l’établissement, sur les repas et non sur les collations, nous aimerions augmenter la fréquence pour organiser deux repas thérapeutiques par mois, et un goûter toutes les semaines. Ce dernier point est un axe que nous souhaiterions réellement développer, avec la confection de gâteaux qui seront ensuite consommés par tout l'étage où s’est déroulée l’activité. Ceux qui ne participeront pas à l’atelier, par choix ou par incapacité, pourront également venir, pour regarder, goûter, écouter, ou tout simplement profiter des bonnes odeurs de cuisson !
Emerance Schünemann : Ces odeurs sont d’ailleurs importantes d’un point de vue thérapeutique, car elles ouvrent littéralement l’appétit. Le maintien des gestes culinaires y contribue également. Éplucher des légumes et des fruits, battre les œufs, cuire des aliments… Toutes ces actions que nous pratiquons quotidiennement à domicile sont importantes pour une bonne nutrition. Sans oublier le plaisir qui en découle ! C’est un point sur lequel nous travaillons aussi au sein de ces ateliers, en consultant les résidents et en leur permettant de cuisiner et de manger des plats qu'on ne peut pas proposer habituellement en restauration collective : des œufs au plat, une fondue savoyarde, un barbecue…
Justement, comment centralisez-vous toutes les propositions émises par les résidents ?
Emerance Schünemann : Ces propositions nous sont principalement soumises au moment des commissions des menus, qui sont des moments d’échange importants, durant lesquels les résidents sont invités à exprimer leurs souhaits. Lorsqu’un plat ne peut être réalisé dans le cadre d’un repas classique, nous l’orientons donc vers l’atelier. Dernièrement, certains ont par exemple demandé à manger du foie de veau. Or cet abat requiert une cuisson minute. Il est quasiment impossible d’en cuisiner pour tout l’EHPAD, mais cela est tout à fait possible en atelier et à destination d’un groupe restreint. Les ateliers amènent d’ailleurs également de nombreux échanges, sur les goûts de chacun, les habitudes culinaires, mais aussi les souvenirs. De nombreux résidents évoquent par exemple régulièrement leurs anciens potagers.
Vous évoquiez l’impact positif de ces animations sur l’appétit des résidents. Constatez-vous des améliorations ?
Emerance Schünemann : Lors des ateliers, tout est consommé. Les assiettes sont vides. Il n’y a pas de gâchis. Le fait d'être en petit groupe et d’avoir cuisiné les aliments entre clairement en ligne de compte. Les résidents mangent avec plaisir et veulent faire plaisir. Certains s’efforcent d’ailleurs parfois de finir leur assiette pour « faire plaisir » aux autres. On observe donc effectivement, dans ces petits groupes, un effet réellement bénéfique sur la prise alimentaire, y compris lorsqu’il s’agit de personne ayant notoirement un petit appétit ou souffrant d’une perte d'appétit.
Natacha Vergnaud : Pour compléter et étayer ces observations, l’Institut Nutrition nous encourage d’ailleurs à réaliser une étude mesurant l’impact de la cuisine mobile et des ateliers Cuisine sur la nutrition des résidents. Nous travaillerons ici en partenariat avec l’Institut Nutrition et un centre de recherche dédié, pour mener une première enquête à T0, lors de l’inauguration du chariot en février ou en mars 2025. Cela nous permettra de disposer de données de départ pour pouvoir ensuite réaliser d’autres enquêtes, et ainsi évaluer l’impact de la démarche à court et moyen terme. À l’issue de ces travaux, une communication sera effectuée auprès des agents, des résidents et des familles, et peut-être également en extérieur, lors d’évènements dédiés à la nutrition. Mais nous nous projetons ici sur plusieurs mois ou années. Nous restons pour l’instant focalisés sur les dernières étapes de création de la cuisine mobile, et sur l’organisation d’une cérémonie d’inauguration. Nous souhaitons d’ailleurs mobiliser les résidents dans ces réflexions, en faisant de cette cérémonie la thématique principale d’un atelier qui aura lieu lors de la semaine nationale de la dénutrition, du 12 au 19 novembre 2024.
> Article paru dans Ehpadia #37, édition d'octobre 2024, à lire ici
L’établissement
L'EHPAD Résidence Quiétude de Riorges emploie 62 salariés et accueille 78 résidents répartis sur quatre étages, dont le rez-de-chaussée, qui regroupe les 11 résidents de l’unité de vie protégée de l’établissement.
L'EHPAD Résidence Quiétude de Riorges emploie 62 salariés et accueille 78 résidents répartis sur quatre étages, dont le rez-de-chaussée, qui regroupe les 11 résidents de l’unité de vie protégée de l’établissement.