Pourriez-vous, pour commencer, évoquer les principales thématiques sur lesquelles travaille la SF2H aujourd’hui ?
Dr Pierre Parneix : Les chantiers sont nombreux ! Nous continuons à préparer l’avenir avec la promotion de notre spécialité auprès des nouvelles générations, notamment à travers la commission JePPRI (Jeunes professionnels de la prévention du risque infectieux), qui commence à avoir des correspondants régionaux et des valences paramédicales. Pour accélérer cette dynamique déjà exemplaire, nous cherchons encore à améliorer le contenu de la Formation Spécialisée Transversale « Hygiène et prévention de l’infection, Résistances, Vigilances », et réfléchissons à la manière dont nous pourrions élargir le recrutement des futurs spécialistes de la prévention et du contrôle des infections (PCI). Le développement des Infirmiers de Pratique Avancée (IPA) en hygiène hospitalière mobilise également notre attention, et nous demeurons optimistes malgré une mise en œuvre plus lente que souhaité.
Ces derniers mois, vous avez également répondu à plusieurs saisines du Ministère...
Citons notamment la sortie, en janvier 2023, de recommandations relatives aux besoins de formation des professionnels de santé en charge des programmes PCI, qui elles-mêmes font suite à la publication d’un premier rapport, en janvier 2022, sur le rôle et les missions des Équipes Opérationnelles d’Hygiène (EOH) et des Équipes Mobiles d’Hygiène (EMH). Sur ce dernier point, la SF2H avait préconisé des ratios nationaux, que nous appelons à mettre en application. C’est d’ailleurs un dossier que nous suivons de près en lien avec la mission MATIS, pour disposer d’un état des lieux sur le terrain et pouvoir identifier les éventuelles difficultés.
Quid des indicateurs que vous comptez prochainement publier à destination des établissements de santé ?
Après les indicateurs du programme PCI pour le secteur médico-social, dévoilés en juillet 2022, nous nous concentrons en effet désormais sur le monde sanitaire. Au-delà des gains attendus en termes d’efficience et de pilotage, ces indicateurs devraient également permettre à notre spécialité de passer un cap stratégique, celui du déploiement de logiciels métiers spécialisés. Aujourd’hui peu implantés au sein des hôpitaux français, ceux-ci permettraient pourtant de faciliter la collecte de données et donc de recentrer les professionnels de la PCI sur leur expertise. Les CHU de Limoges et de Nancy font d’ailleurs ici figure de pionniers, et les bénéfices constatés plaident déjà en faveur d’une généralisation. Autre chantier, et non des moindres, la constitution d’un référentiel de certification applicable à notre spécialité, et qui se doit d’être à la fois pragmatique et en adéquation avec sa dimension transversale. Sans oublier la mise à jour des recommandations Air et Gouttelettes, pour tenir compte des enseignements du Covid. Une première mouture sera présentée à l’occasion de notre prochain Congrès national, et le document final devrait être finalisé d’ici la fin de l’année.
Quels enjeux adressez-vous sur ce champ précis ?
La crise sanitaire s’est traduite par l’acquisition de nouvelles connaissances sur les modes de diffusion des gouttelettes, tout en permettant d’identifier de nouvelles attentes en termes d’analyse du risque infectieux pour la mise en œuvre des protocoles adaptés – choix des appareils de protection respiratoire et réalisation de Fit Tests lorsqu’applicables, systèmes de ventilation, etc. Il nous faut donc réactualiser nos recommandations pour tenir compte de cette nouvelle réalité et, peut-être aussi, éviter une certaine cacophonie à l’avenir. D’ailleurs, notre prochain Congrès évoquera notamment le sujet à travers la session internationale, qui verra plusieurs pays européens témoigner de leur expérience du Covid et de la manière dont ils ont relevé les défis de la pandémie. Nous espérons ainsi pouvoir avancer tous ensemble sur les modalités de prévention des crises futures.
L’actualité récente vous impose également de porter une attention accrue à la microbiologie environnementale, qui fait désormais l’objet d’une commission spécifique.
C’est en effet une dimension importante de notre métier. Or nous savons, par exemple, qu’entre le réchauffement climatique, le vieillissement des réseaux d’eau chaude sanitaire, et la nécessité de limiter les consommations énergétiques, le risque Légionnelles est voué à augmenter. Sur un autre registre, il y a encore beaucoup trop de décès liés aux voies veineuses périphériques, faute d’application des bonnes pratiques de suivi microbiologique – une session du Congrès portera spécifiquement sur ce sujet. En tout état de cause, la SF2H et la Société Française de Microbiologie travaillent de concert pour réfléchir à une stratégie à la fois préventive et curative. Le risque infectieux doit certes être maîtrisé en amont mais, lorsqu’il survient, il nous faut également pouvoir en atténuer les conséquences pour les patients. Ceux-ci doivent notamment être mieux sensibilisés aux signes cliniques à surveiller, à travers des supports pédagogiques simples et associant à chaque fois que possible les personnes de confiance. Le Congrès évoquera d’ailleurs aussi la contribution des usagers, un point que nous comptons développer fortement dans les mois et années à venir.
Les usagers sont-ils demandeurs d’une telle démarche ?
Les patients souhaitent effectivement être mieux associés aux actions de prévention et de contrôle du risque infectieux. L’audit Pulp Friction, réalisé par la mission MATIS autour de l’hygiène des mains, a par exemple relevé que 70 % des usagers estiment avoir un rôle à jouer sur ce champ précis. Cette attente a d’ailleurs été entendue par les pouvoirs publics, qui expérimentent actuellement le recueil d’un indicateur portant sur les patients acteurs de leur hygiène des mains, sur le modèle d’i-Satis pour le recueil de la satisfaction des patients hospitalisés. Il nous faut donc continuer à muscler l’appropriation des patients pour tout ce qui a trait aux stratégies PCI, afin de mettre en œuvre une dynamique positive et associative. Comme je le disais, il est ici nécessaire de créer des dispositifs d’information accessibles à tous, mais aussi de mettre en œuvre une pédagogie itérative car la capacité d’écoute d’une personne fragilisée par la maladie est elle-même évolutive.
Dr Pierre Parneix : Les chantiers sont nombreux ! Nous continuons à préparer l’avenir avec la promotion de notre spécialité auprès des nouvelles générations, notamment à travers la commission JePPRI (Jeunes professionnels de la prévention du risque infectieux), qui commence à avoir des correspondants régionaux et des valences paramédicales. Pour accélérer cette dynamique déjà exemplaire, nous cherchons encore à améliorer le contenu de la Formation Spécialisée Transversale « Hygiène et prévention de l’infection, Résistances, Vigilances », et réfléchissons à la manière dont nous pourrions élargir le recrutement des futurs spécialistes de la prévention et du contrôle des infections (PCI). Le développement des Infirmiers de Pratique Avancée (IPA) en hygiène hospitalière mobilise également notre attention, et nous demeurons optimistes malgré une mise en œuvre plus lente que souhaité.
Ces derniers mois, vous avez également répondu à plusieurs saisines du Ministère...
Citons notamment la sortie, en janvier 2023, de recommandations relatives aux besoins de formation des professionnels de santé en charge des programmes PCI, qui elles-mêmes font suite à la publication d’un premier rapport, en janvier 2022, sur le rôle et les missions des Équipes Opérationnelles d’Hygiène (EOH) et des Équipes Mobiles d’Hygiène (EMH). Sur ce dernier point, la SF2H avait préconisé des ratios nationaux, que nous appelons à mettre en application. C’est d’ailleurs un dossier que nous suivons de près en lien avec la mission MATIS, pour disposer d’un état des lieux sur le terrain et pouvoir identifier les éventuelles difficultés.
Quid des indicateurs que vous comptez prochainement publier à destination des établissements de santé ?
Après les indicateurs du programme PCI pour le secteur médico-social, dévoilés en juillet 2022, nous nous concentrons en effet désormais sur le monde sanitaire. Au-delà des gains attendus en termes d’efficience et de pilotage, ces indicateurs devraient également permettre à notre spécialité de passer un cap stratégique, celui du déploiement de logiciels métiers spécialisés. Aujourd’hui peu implantés au sein des hôpitaux français, ceux-ci permettraient pourtant de faciliter la collecte de données et donc de recentrer les professionnels de la PCI sur leur expertise. Les CHU de Limoges et de Nancy font d’ailleurs ici figure de pionniers, et les bénéfices constatés plaident déjà en faveur d’une généralisation. Autre chantier, et non des moindres, la constitution d’un référentiel de certification applicable à notre spécialité, et qui se doit d’être à la fois pragmatique et en adéquation avec sa dimension transversale. Sans oublier la mise à jour des recommandations Air et Gouttelettes, pour tenir compte des enseignements du Covid. Une première mouture sera présentée à l’occasion de notre prochain Congrès national, et le document final devrait être finalisé d’ici la fin de l’année.
Quels enjeux adressez-vous sur ce champ précis ?
La crise sanitaire s’est traduite par l’acquisition de nouvelles connaissances sur les modes de diffusion des gouttelettes, tout en permettant d’identifier de nouvelles attentes en termes d’analyse du risque infectieux pour la mise en œuvre des protocoles adaptés – choix des appareils de protection respiratoire et réalisation de Fit Tests lorsqu’applicables, systèmes de ventilation, etc. Il nous faut donc réactualiser nos recommandations pour tenir compte de cette nouvelle réalité et, peut-être aussi, éviter une certaine cacophonie à l’avenir. D’ailleurs, notre prochain Congrès évoquera notamment le sujet à travers la session internationale, qui verra plusieurs pays européens témoigner de leur expérience du Covid et de la manière dont ils ont relevé les défis de la pandémie. Nous espérons ainsi pouvoir avancer tous ensemble sur les modalités de prévention des crises futures.
L’actualité récente vous impose également de porter une attention accrue à la microbiologie environnementale, qui fait désormais l’objet d’une commission spécifique.
C’est en effet une dimension importante de notre métier. Or nous savons, par exemple, qu’entre le réchauffement climatique, le vieillissement des réseaux d’eau chaude sanitaire, et la nécessité de limiter les consommations énergétiques, le risque Légionnelles est voué à augmenter. Sur un autre registre, il y a encore beaucoup trop de décès liés aux voies veineuses périphériques, faute d’application des bonnes pratiques de suivi microbiologique – une session du Congrès portera spécifiquement sur ce sujet. En tout état de cause, la SF2H et la Société Française de Microbiologie travaillent de concert pour réfléchir à une stratégie à la fois préventive et curative. Le risque infectieux doit certes être maîtrisé en amont mais, lorsqu’il survient, il nous faut également pouvoir en atténuer les conséquences pour les patients. Ceux-ci doivent notamment être mieux sensibilisés aux signes cliniques à surveiller, à travers des supports pédagogiques simples et associant à chaque fois que possible les personnes de confiance. Le Congrès évoquera d’ailleurs aussi la contribution des usagers, un point que nous comptons développer fortement dans les mois et années à venir.
Les usagers sont-ils demandeurs d’une telle démarche ?
Les patients souhaitent effectivement être mieux associés aux actions de prévention et de contrôle du risque infectieux. L’audit Pulp Friction, réalisé par la mission MATIS autour de l’hygiène des mains, a par exemple relevé que 70 % des usagers estiment avoir un rôle à jouer sur ce champ précis. Cette attente a d’ailleurs été entendue par les pouvoirs publics, qui expérimentent actuellement le recueil d’un indicateur portant sur les patients acteurs de leur hygiène des mains, sur le modèle d’i-Satis pour le recueil de la satisfaction des patients hospitalisés. Il nous faut donc continuer à muscler l’appropriation des patients pour tout ce qui a trait aux stratégies PCI, afin de mettre en œuvre une dynamique positive et associative. Comme je le disais, il est ici nécessaire de créer des dispositifs d’information accessibles à tous, mais aussi de mettre en œuvre une pédagogie itérative car la capacité d’écoute d’une personne fragilisée par la maladie est elle-même évolutive.
Revenons un instant sur les EMH, rapidement évoquées plus haut. Où en sont ces dispositifs aujourd’hui ?
Comme nous le verrons au cours du prochain Congrès, la tendance se poursuit et s’accélère, avec toujours plus d’EMH créées et une volonté, partagée par les territoires concernés, de couvrir 100 % des besoins sur le champ médico-social. Il s’agit d’ailleurs d’un domaine gratifiant pour les professionnels de la PCI, car leur expertise est ici attendue et recherchée. Mais il nous faut aller plus loin encore, en facilitant par exemple l’accès à la téléexpertise médicale pour diagnostiquer rapidement certaines pathologies comme la gale, et limiter leur diffusion épidémique. La question du modèle médico-économique se pose, bien sûr, mais rappelons que c’est l’absence de diagnostic précoce qui fait l’épidémie.
Un mot sur les EMA, les Équipes Multidisciplinaires d’Antibiothérapie, qui se créent également dans les territoires ?
Les EMA offrent aujourd’hui un appui précieux pour véhiculer des messages de prévention auprès des praticiens libéraux, ce qui est en soi assez difficile. De plus en plus d’Équipes Multidisciplinaires d’Antibiothérapie et d’Équipes Mobiles d’Hygiène mènent en outre leurs actions de manière concertée et synergique, pour créer des dynamiques positives à l’échelle d’un territoire. Cette tendance aussi devrait s’accélérer, bien que les dispositifs EMA ne fassent pas encore l’objet d’un financement pérenne. Une évaluation devrait néanmoins avoir lieu dans quatre ans et tous les espoirs sont permis. La période est à l’optimisme car, pour la première fois, la Stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance a été déclinée en feuille de route par chaque Agence Régionale de Santé, avec des objectifs opérationnels structurants et des cibles clairement identifiées.
Le mot de la fin ?
Les problématiques évoquées au cours de cet échange, mais aussi de nombreuses autres thématiques, seront au cœur du prochain Congrès national de la SF2H. Nous avons construit un programme ambitieux, qui permettra de découvrir des projets et des initiatives notables mises en œuvre par les professionnels de la PCI, de bénéficier des avis et analyses d’experts, de participer à des ateliers pédagogiques et, in fine, de continuer à se former et s’informer sur les enjeux de cette spécialité si riche. Nous vous y attendons nombreux !
- Inscriptions, informations et programme sur www.sf2h.net
Article publié dans le numéro d'avril d'Ehpadia à consulter ici
Comme nous le verrons au cours du prochain Congrès, la tendance se poursuit et s’accélère, avec toujours plus d’EMH créées et une volonté, partagée par les territoires concernés, de couvrir 100 % des besoins sur le champ médico-social. Il s’agit d’ailleurs d’un domaine gratifiant pour les professionnels de la PCI, car leur expertise est ici attendue et recherchée. Mais il nous faut aller plus loin encore, en facilitant par exemple l’accès à la téléexpertise médicale pour diagnostiquer rapidement certaines pathologies comme la gale, et limiter leur diffusion épidémique. La question du modèle médico-économique se pose, bien sûr, mais rappelons que c’est l’absence de diagnostic précoce qui fait l’épidémie.
Un mot sur les EMA, les Équipes Multidisciplinaires d’Antibiothérapie, qui se créent également dans les territoires ?
Les EMA offrent aujourd’hui un appui précieux pour véhiculer des messages de prévention auprès des praticiens libéraux, ce qui est en soi assez difficile. De plus en plus d’Équipes Multidisciplinaires d’Antibiothérapie et d’Équipes Mobiles d’Hygiène mènent en outre leurs actions de manière concertée et synergique, pour créer des dynamiques positives à l’échelle d’un territoire. Cette tendance aussi devrait s’accélérer, bien que les dispositifs EMA ne fassent pas encore l’objet d’un financement pérenne. Une évaluation devrait néanmoins avoir lieu dans quatre ans et tous les espoirs sont permis. La période est à l’optimisme car, pour la première fois, la Stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance a été déclinée en feuille de route par chaque Agence Régionale de Santé, avec des objectifs opérationnels structurants et des cibles clairement identifiées.
Le mot de la fin ?
Les problématiques évoquées au cours de cet échange, mais aussi de nombreuses autres thématiques, seront au cœur du prochain Congrès national de la SF2H. Nous avons construit un programme ambitieux, qui permettra de découvrir des projets et des initiatives notables mises en œuvre par les professionnels de la PCI, de bénéficier des avis et analyses d’experts, de participer à des ateliers pédagogiques et, in fine, de continuer à se former et s’informer sur les enjeux de cette spécialité si riche. Nous vous y attendons nombreux !
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Article publié dans le numéro d'avril d'Ehpadia à consulter ici