Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter l’EMH des Magnolias ?
Marie Azpurua : Créée en 2013, celle-ci dispose de deux postes d’infirmière mobile en hygiène (IMH), ouverts en 2013 et 2021. L’EMH s’appuie sur l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) de l’hôpital Les Magnolias, composée d’un praticien et d’un cadre hygiéniste, en l’occurrence moi-même. Bien que l’EMH soit administrativement rattachée à l’EOH, le dispositif est financé et piloté par l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Île-de-France. Ce soutien lui permet d’intervenir sur tout le territoire du nord et du nord-est de l’Essonne, pour accompagner les EHPAD ayant signé une convention tripartite avec l’ARS et l’hôpital gériatrique.
Ses interventions se limitent-elles à un secteur en particulier ?
Tous les EHPAD implantés dans l’aire géographique concernée peuvent bénéficier d’un accompagnement par l’EMH pour une durée de trois ans, qu’ils soient issus du secteur public, privé ou associatif, qu’ils fassent ou non partie d’un groupe. Ainsi, sur les 51 EHPAD du nord et du nord-est de l’Essonne, 25 ont initié ce suivi en 2021, et devraient continuer d’en bénéficier jusqu’à la fin de l’année 2024. Ce sera, ensuite, au tour d’autres établissements pour les trois années suivantes. Ce mode de fonctionnement, qui privilégie le temps long, vise avant tout à rendre les établissements autonomes dans leur démarche de maîtrise du risque infectieux. Au terme des trois années d’accompagnement, ils doivent avoir en tête les bases de l’hygiène, et surtout savoir qui contacter en cas de foyer épidémique, ou pour évaluer leurs pratiques et engager des actions de formation. L’EMH s’attache donc à favoriser une dynamique vertueuse en interne.
Comment procédez-vous ?
L’IMH intervenant auprès d’un établissement conventionné commence toujours par prendre contact avec le directeur qui, en tant que chef d'orchestre de l’EHPAD, initie et porte la démarche d’amélioration continue de l’établissement. À lui, ensuite, de déléguer cette action à un professionnel en charge de l’hygiène en interne, souvent une infirmière de coordination (IDEC) mais parfois aussi une gouvernante. Cela étant dit, les interventions de l’IMH s’appuient sur tous les profils présents au sein de la structure, les infirmières, les gouvernantes, les aides-soignantes… et même les animateurs et animatrices, dont l’expertise est particulièrement utile pour promouvoir les formations et fédérer les équipes.
En quoi consistent plus concrètement les actions menées par l’EMH ?
Celles-ci répondent exclusivement aux objectifs identifiés dans le cadre de la convention tripartite. Elles partagent néanmoins un même fil rouge : promouvoir une démarche structurée, afin que chaque établissement puisse évaluer les risques infectieux qui lui sont propres, apprécier son niveau de maîtrise et élaborer, ou adapter, son programme d'action à la lumière de ces enseignements. Ainsi, l’une des premières missions de l’IMH démarrant un accompagnement est d’assister l’EHPAD dans la réalisation de son DAMRI, la démarche d'analyse et de maîtrise du risque infectieux. Véritable état des lieux des mesures d’hygiène en vigueur au sein de l’établissement, celle-ci est primordiale pour construire un plan d’action pertinent. Cette formalisation, et le suivi des actions identifiées, bénéficient bien sûr aussi d’un appui par l’IMH. Mais ce sont loin d’être ses seules missions.
Pourriez-vous nous donner d’autres exemples ?
L’IMH forme également les référents en hygiène, suit le taux de résidents et de professionnels vaccinés, évalue le respect des bonnes pratiques de marche en avant pour les circuits sensibles, comme le linge et les déchets, promeut les journées et événements thématiques – par exemple la journée nationale de l’hygiène des mains et la semaine de la sécurité des patients –, sensibilise à la nécessité de participer aux enquêtes et recueils nationaux… Son expertise peut également être sollicitée en cas d'épisode infectieux, pour aiguiller l’EHPAD et l’accompagner dans la gestion et l'analyse de cet événement.
Vous évoquiez le DAMRI. Pourriez-vous nous en parler plus en détail ?
Il s’agit, comme je le disais, de l’outil central dont va se nourrir l’accompagnement mis en œuvre par l’IMH. Rappelons-le, le DAMRI s’articule autour de huit chapitres, qui vont de l’organisation de la prévention et de la maîtrise du risque infectieux à la gestion épidémique, en passant par les circuits de la restauration et du linge, ou encore l’entretien des locaux. Cet outil dématérialisé, qui cherche à cartographier le risque infectieux, permet à chaque établissement de s’auto-évaluer pour mettre en œuvre des actions correctives à court, moyen et long terme. Inscrite dans une démarche d'amélioration continue, la réalisation d’un DAMRI concerne spécifiquement les établissements sociaux et médico-sociaux. Il n’est dès lors guère étonnant qu’il s’agisse de la première action mise en œuvre dans les établissements suivis par l’EMH. Mais d’autres actions concourent également à la maîtrise du risque infectieux et font partie intégrante de l’accompagnement proposé par l’EMH. Je pense particulièrement à la mise en place et au suivi des indicateurs nationaux, par exemple en matière de consommation de solution hydro-alcoolique (ICSHA), ou de couverture de vaccination antigrippale chez les professionnels.
Vous l’aviez précisé au début de cet échange : l’EMH a été dotée d’un nouveau poste d’IMH en 2021, quelques mois après la crise Covid. Avez-vous observé des changements particuliers depuis la pandémie ?
La crise sanitaire de 2020 a, sans conteste, positionné le risque infectieux comme une priorité pour les établissements de soins. Elle a également montré que les EHPAD bénéficiant d’un accompagnement par des équipes mobiles d’hygiène étaient mieux armés pour y faire face. Ce constat a permis la création de postes supplémentaires. D’ailleurs, au plus fort de la vague Covid, l’EMH et l’EOH sont toutes deux venues en appui aux EHPAD, qu’ils soient ou non suivis dans le cadre d’une convention tripartite. Nous avons répondu à toutes les demandes. Cela étant dit, bien que les professionnels de l’hygiène hospitalière aient été très sollicités durant cette période, leurs recommandations auprès des établissements médico-sociaux étaient les mêmes qu’auparavant – et le restent encore aujourd’hui : l’importance de l'hygiène des mains et des équipements de protection individuels, la prévention des risques de transmissions croisées… Ces précautions sont toujours d’actualités et doivent s’appliquer lors de tout épisode infectieux. Mais, si durant la période Covid, les professionnels avaient pris conscience de la nécessité de respecter les mesures barrières, force est de constater que le risque est aujourd’hui moins présent dans les esprits. Pourtant, les EHPAD connaissent toujours des épisodes infectieux avec, cet hiver, une forte prévalence de la grippe et de la gastro-entérite.
Un mot, pour finir, sur les projets de l’EMH pour 2024 ?
Comme évoqué plus haut, 2024 est la dernière année d’accompagnement pour les 25 EHPAD ayant démarré leur suivi en 2021. L’EMH poursuit donc les travaux définis dans la convention tripartite, pour permettre une autonomisation de ces établissements dès l’année prochaine : l’EHPAD doit savoir qui contacter, quand et pourquoi. L’année 2024 sera également marquée par une nouvelle enquête nationale de prévalence des infections associées aux soins dans les EHPAD. Ce recueil, qui a lieu tous les cinq ans, ne s’appliquera toutefois pas à tous les établissements : seuls ceux qui le souhaitent, ou qui seront tirés au sort par l’ARS, y participeront. L’EHPAD Les Magnolias, lui-même intégré à l’hôpital gériatrique du même nom, a par exemple été tiré au sort et devra fournir, sur un jour donné, une cartographie des résidents présents, de ceux porteurs d’une bactérie résistante aux antibiotiques, de ceux ayant un cathéter… Bien entendu, l’EMH apportera son appui aux structures concernées par cette démarche qui permettra d’obtenir une photographie nationale des infections associées aux soins à un instant T, pour identifier les actions prioritaires à mettre en place au sein des territoires et à l’échelle nationale.
> Article paru dans Ehpadia #35, édition d’avril 2024, à lire ici
Marie Azpurua : Créée en 2013, celle-ci dispose de deux postes d’infirmière mobile en hygiène (IMH), ouverts en 2013 et 2021. L’EMH s’appuie sur l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) de l’hôpital Les Magnolias, composée d’un praticien et d’un cadre hygiéniste, en l’occurrence moi-même. Bien que l’EMH soit administrativement rattachée à l’EOH, le dispositif est financé et piloté par l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Île-de-France. Ce soutien lui permet d’intervenir sur tout le territoire du nord et du nord-est de l’Essonne, pour accompagner les EHPAD ayant signé une convention tripartite avec l’ARS et l’hôpital gériatrique.
Ses interventions se limitent-elles à un secteur en particulier ?
Tous les EHPAD implantés dans l’aire géographique concernée peuvent bénéficier d’un accompagnement par l’EMH pour une durée de trois ans, qu’ils soient issus du secteur public, privé ou associatif, qu’ils fassent ou non partie d’un groupe. Ainsi, sur les 51 EHPAD du nord et du nord-est de l’Essonne, 25 ont initié ce suivi en 2021, et devraient continuer d’en bénéficier jusqu’à la fin de l’année 2024. Ce sera, ensuite, au tour d’autres établissements pour les trois années suivantes. Ce mode de fonctionnement, qui privilégie le temps long, vise avant tout à rendre les établissements autonomes dans leur démarche de maîtrise du risque infectieux. Au terme des trois années d’accompagnement, ils doivent avoir en tête les bases de l’hygiène, et surtout savoir qui contacter en cas de foyer épidémique, ou pour évaluer leurs pratiques et engager des actions de formation. L’EMH s’attache donc à favoriser une dynamique vertueuse en interne.
Comment procédez-vous ?
L’IMH intervenant auprès d’un établissement conventionné commence toujours par prendre contact avec le directeur qui, en tant que chef d'orchestre de l’EHPAD, initie et porte la démarche d’amélioration continue de l’établissement. À lui, ensuite, de déléguer cette action à un professionnel en charge de l’hygiène en interne, souvent une infirmière de coordination (IDEC) mais parfois aussi une gouvernante. Cela étant dit, les interventions de l’IMH s’appuient sur tous les profils présents au sein de la structure, les infirmières, les gouvernantes, les aides-soignantes… et même les animateurs et animatrices, dont l’expertise est particulièrement utile pour promouvoir les formations et fédérer les équipes.
En quoi consistent plus concrètement les actions menées par l’EMH ?
Celles-ci répondent exclusivement aux objectifs identifiés dans le cadre de la convention tripartite. Elles partagent néanmoins un même fil rouge : promouvoir une démarche structurée, afin que chaque établissement puisse évaluer les risques infectieux qui lui sont propres, apprécier son niveau de maîtrise et élaborer, ou adapter, son programme d'action à la lumière de ces enseignements. Ainsi, l’une des premières missions de l’IMH démarrant un accompagnement est d’assister l’EHPAD dans la réalisation de son DAMRI, la démarche d'analyse et de maîtrise du risque infectieux. Véritable état des lieux des mesures d’hygiène en vigueur au sein de l’établissement, celle-ci est primordiale pour construire un plan d’action pertinent. Cette formalisation, et le suivi des actions identifiées, bénéficient bien sûr aussi d’un appui par l’IMH. Mais ce sont loin d’être ses seules missions.
Pourriez-vous nous donner d’autres exemples ?
L’IMH forme également les référents en hygiène, suit le taux de résidents et de professionnels vaccinés, évalue le respect des bonnes pratiques de marche en avant pour les circuits sensibles, comme le linge et les déchets, promeut les journées et événements thématiques – par exemple la journée nationale de l’hygiène des mains et la semaine de la sécurité des patients –, sensibilise à la nécessité de participer aux enquêtes et recueils nationaux… Son expertise peut également être sollicitée en cas d'épisode infectieux, pour aiguiller l’EHPAD et l’accompagner dans la gestion et l'analyse de cet événement.
Vous évoquiez le DAMRI. Pourriez-vous nous en parler plus en détail ?
Il s’agit, comme je le disais, de l’outil central dont va se nourrir l’accompagnement mis en œuvre par l’IMH. Rappelons-le, le DAMRI s’articule autour de huit chapitres, qui vont de l’organisation de la prévention et de la maîtrise du risque infectieux à la gestion épidémique, en passant par les circuits de la restauration et du linge, ou encore l’entretien des locaux. Cet outil dématérialisé, qui cherche à cartographier le risque infectieux, permet à chaque établissement de s’auto-évaluer pour mettre en œuvre des actions correctives à court, moyen et long terme. Inscrite dans une démarche d'amélioration continue, la réalisation d’un DAMRI concerne spécifiquement les établissements sociaux et médico-sociaux. Il n’est dès lors guère étonnant qu’il s’agisse de la première action mise en œuvre dans les établissements suivis par l’EMH. Mais d’autres actions concourent également à la maîtrise du risque infectieux et font partie intégrante de l’accompagnement proposé par l’EMH. Je pense particulièrement à la mise en place et au suivi des indicateurs nationaux, par exemple en matière de consommation de solution hydro-alcoolique (ICSHA), ou de couverture de vaccination antigrippale chez les professionnels.
Vous l’aviez précisé au début de cet échange : l’EMH a été dotée d’un nouveau poste d’IMH en 2021, quelques mois après la crise Covid. Avez-vous observé des changements particuliers depuis la pandémie ?
La crise sanitaire de 2020 a, sans conteste, positionné le risque infectieux comme une priorité pour les établissements de soins. Elle a également montré que les EHPAD bénéficiant d’un accompagnement par des équipes mobiles d’hygiène étaient mieux armés pour y faire face. Ce constat a permis la création de postes supplémentaires. D’ailleurs, au plus fort de la vague Covid, l’EMH et l’EOH sont toutes deux venues en appui aux EHPAD, qu’ils soient ou non suivis dans le cadre d’une convention tripartite. Nous avons répondu à toutes les demandes. Cela étant dit, bien que les professionnels de l’hygiène hospitalière aient été très sollicités durant cette période, leurs recommandations auprès des établissements médico-sociaux étaient les mêmes qu’auparavant – et le restent encore aujourd’hui : l’importance de l'hygiène des mains et des équipements de protection individuels, la prévention des risques de transmissions croisées… Ces précautions sont toujours d’actualités et doivent s’appliquer lors de tout épisode infectieux. Mais, si durant la période Covid, les professionnels avaient pris conscience de la nécessité de respecter les mesures barrières, force est de constater que le risque est aujourd’hui moins présent dans les esprits. Pourtant, les EHPAD connaissent toujours des épisodes infectieux avec, cet hiver, une forte prévalence de la grippe et de la gastro-entérite.
Un mot, pour finir, sur les projets de l’EMH pour 2024 ?
Comme évoqué plus haut, 2024 est la dernière année d’accompagnement pour les 25 EHPAD ayant démarré leur suivi en 2021. L’EMH poursuit donc les travaux définis dans la convention tripartite, pour permettre une autonomisation de ces établissements dès l’année prochaine : l’EHPAD doit savoir qui contacter, quand et pourquoi. L’année 2024 sera également marquée par une nouvelle enquête nationale de prévalence des infections associées aux soins dans les EHPAD. Ce recueil, qui a lieu tous les cinq ans, ne s’appliquera toutefois pas à tous les établissements : seuls ceux qui le souhaitent, ou qui seront tirés au sort par l’ARS, y participeront. L’EHPAD Les Magnolias, lui-même intégré à l’hôpital gériatrique du même nom, a par exemple été tiré au sort et devra fournir, sur un jour donné, une cartographie des résidents présents, de ceux porteurs d’une bactérie résistante aux antibiotiques, de ceux ayant un cathéter… Bien entendu, l’EMH apportera son appui aux structures concernées par cette démarche qui permettra d’obtenir une photographie nationale des infections associées aux soins à un instant T, pour identifier les actions prioritaires à mettre en place au sein des territoires et à l’échelle nationale.
> Article paru dans Ehpadia #35, édition d’avril 2024, à lire ici