En EHPAD, la prévalence des infections associées aux soins semble être plus faible que dans les établissements sanitaires, d’après l’enquête Prév’EHPAD 2016 : elle s’y élève en effet à 2,93 %, contre 4,98 % pour les structures MCO, et concerne essentiellement des infections urinaires (36,9 %), des infections respiratoires basses (24,0 %), des infections de la peau et des tissus mous (20,4 %) et des pneumonies (11,0 %). Leur prévention n’en constitue pas moins un enjeu majeur, eu égard à leurs conséquences potentiellement délétères sur des résidents déjà fragilisés. D’autant qu’il existe des facteurs de risques spécifiques aux EHPAD, comme l’a rappelé le Professeur Thomas Célarier, chef du pôle Gériatrie et Gérontologie Clinique au CHU de Saint-Étienne.
Particularités des EHPAD
D’après le spécialiste, ces risques sont d’une part liés au profil même des résidents, une population âgée fragile, souvent dépendante, polypathologique et polymédiquée, au système immunitaire vieilli. « Peuvent s’y ajouter des troubles cognitifs, qui limitent l’intégration des gestes barrière et favorisent par là même la diffusion des germes », a-t-il expliqué, avant d’évoquer également l’impact de l’environnement social et familial, avec des structures qui sont, par définition, des lieux de vie en collectivité. Le Pr Célarier a ensuite longuement insisté sur les risques en lien avec l’environnement du travail : « Les protocoles d’hygiène ne sont pas toujours connus ou mis à jour, et dépendent beaucoup des organisations en place. La réalisation d’examens complémentaires en cas de suspicion de maladie infectieuse, l’accès rapide à l’expertise médicale, ne sont pas toujours aisés, ce qui peut retarder le diagnostic. La charge de travail de l’équipe soignante est en outre importante, avec des effectifs sous tension et des glissements de tâches, ce qui peut complexifier le respect des recommandations de bonnes pratiques. Enfin, les dispositifs médicaux, les équipements de protection individuelle, ne sont pas toujours disponibles ou adaptés ». Partant de cet état des lieux, le Docteur Catherine Chapuis, médecin hygiéniste dans l’équipe inter-établissement des Hospices Civils de Lyon, et Pascale Chaize, cadre de santé au sein de l’Équipe mobile d’hygiène (EMH) Est Hérault Sud Aveyron, se sont donc attelées à détailler la manière dont les hygiénistes pourraient mener une stratégie de prévention du risque infectieux en EHPAD.
Des pistes d’actions selon la méthode des 5M
« Nous avons ici appliqué la méthode d’analyse dite des 5M, qui consiste à identifier les difficultés liées au milieu, aux méthodes, aux matériels, au management et à la main-d’œuvre, et pouvoir ainsi proposer des pistes de résolution », a expliqué Pascale Chaize. Par exemple, pour l’axe « Milieu », les deux spécialistes ont étudié les contraintes architecturales, sur lesquelles l’hygiéniste a peu de prises si ce n’est pour recommander de créer des bulles sociales lors des activités collectives. En ce qui concerne le volet « Méthodes », elles ont notamment porté leur attention sur les pratiques de gestion des excréta, une problématique beaucoup plus fréquente dans le secteur médico-social que dans le sanitaire. « D’après un audit réalisé en 2019, 63,6 % des ESMS intégrés à un établissement de santé, et 50 % des ESMS indépendants, disposent d’un local ‘utilitaire sale’ dans les unités de vie. Les établissements n’ayant pas de local ‘sale’ réalisent quant à eux l’entretien des contenants en chambre », a détaillé la cadre de santé, préconisant entre autres une meilleure information des décideurs quant à la présence indispensable d’un local ‘contenant sale’ fonctionnel, mais aussi un meilleur accompagnement des équipes dans la rédaction d’une procédure adaptée à chaque établissement. Sur la partie « Matériels », le Dr Catherine Chapuis a déploré la présence régulière de produits inadaptés, par exemple l’usage de fumigènes pour réaliser une désinfection par voie aérienne, ou l’équipement des salles communes de fauteuils en tissu, difficiles à nettoyer. « L’hygiéniste a ici un rôle à jouer pour aider et conseiller les équipes de l’EHPAD sur le choix des produits et des techniques, et contribuer ainsi à l’amélioration globale des pratiques de bionettoyage », a-t-elle indiqué.
De l’importance des EMH
Le volet « Management » s’est pour sa part penché sur la gestion de l’eau chaude sanitaire, une tâche pour laquelle peu d’EHPAD disposent de personnel dédié. « Mise en place d’un carnet sanitaire et d’un plan d’échantillonnage, aide à la compréhension des résultats bactériologiques, coordination d’un groupe ‘Eau’, accompagnement des actions correctrices… », le Dr Chapuis a ici évoqué de nombreuses pistes. Enfin, sur la partie « Main d’œuvre », « il n’y a malheureusement pas de recette magique pour répondre aux problématiques d’effectifs, qui concernent aussi bien le sanitaire et le médico-social », a-t-elle noté. Le personnel présent peut néanmoins bénéficier de formations « pratico-pratiques et adaptées aux spécificités de la structure », a précisé la médecin hygiéniste. « L’hygiéniste en EHPAD doit avant tout être pragmatique et patient, et ne pas perdre de vue qu’un programme de prévention du risque infectieux doit s’intégrer dans la vie sociale et familiale des résidents », a conclu Pascale Chaize en appelant à la pérennisation et la généralisation des équipes mobiles d’hygiène, dont le rôle et les missions ont récemment été précisés par la Société Française d’Hygiène Hospitalière – qui, rappelons-le, a préconisé un équivalent temps plein d’infirmier hygiéniste et 0,5 équivalent temps plein de praticien pour 20 à 25 ESMS.
Article publié dans le numéro de juillet d'Ehpadia à consulter ici
Article publié dans le numéro de juillet d'Ehpadia à consulter ici