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Pharmacie / Hygiène

Au CH de Tourcoing, une mise en œuvre réussie de la DIN en EHPAD


Publié le Mardi 1 Octobre 2024 à 11:32

Depuis un an, le Centre hospitalier de Tourcoing, dans le Nord, s’est engagé dans un projet d’automatisation de la dispensation individuelle nominative (DIN). Un processus qui vise avant tout à sécuriser son circuit du médicament, et dont bénéficient déjà deux de ses trois EHPAD.


« De premières discussions avaient été engagées dès 2017 autour de l’optimisation du circuit du médicament avec plusieurs axes de travail, dont la mise en place de la DIN, mais aussi la modernisation de la Pharmacie à usage intérieur (PUI), une informatisation plus poussée du circuit des produits de santé et une ré exion globale sur la gestion des flux », se souvient le Dr Adeline Danielou, cheffe de service de la PUI. Visant à sécuriser la dispensation médicamenteuse, la DIN a déjà fait ses preuves dans d’autres établissements pour faciliter le respect de la règle des 5B – administrer le bon médicament, au bon patient, au bon dosage, par la bonne voie et au bon moment. Sa préparation peut s’effectuer manuellement ou par automate, afin de décharger les préparateurs en pharmacie de cette tâche chronophage. C’est cette seconde option qui a été privilégiée par le CH de Tourcoing. À l’été 2023, il s’est donc doté d’automates DIN et s’est aussitôt attelé à tester cette nouvelle organisation dans un premier service pilote, en l’occurrence l’EHPAD Les Maisonnées, qui lui est rattaché.
 
Le principe de fonctionnement de la DIN automatisée est on ne peut plus simple : à partir d’une prescription informatisée directement récupérée dans le dossier patient, les automates de dispensation nominative constituent des piluliers sous la forme de carnets de doses individuelles. « Ceux-ci regroupent les différents traitements d’un patient et sont compilés pour une durée de sept jours », indique le Dr Adeline Danielou. Composés de différents sachets sur lesquels sont indiqués les noms et prénoms du patient, le moment de prise ainsi que toutes les informations permettant d’identifier précisément les comprimés concernés (appellation, forme galénique, dosage, numéro de lot, date de péremption), les carnets sont ensuite livrés dans une zone sécurisée de l’EHPAD. « Les traitements sont stockés dans des tiroirs dédiés avec, à chaque fois, le nom et la composition inscrits sur la façade du tiroir, afin de pouvoir effectuer une vérification supplémentaire quant à la concordance entre les médicaments réceptionnés et les données de la prescription », précise Bertrand Merlin-Kutter, cadre supérieur du pôle de Gérontologie du CH de Tourcoing.

L’EHPAD Les Maisonnées comme service pilote

Dès juin 2023, donc, l’EHPAD Les Maisonnées a pu bénéficier de cette nouvelle méthode. « Nous l’avons choisi comme service pilote, car il est implanté sur le site du Centre Hospitalier, à proximité du plateau technique. Il s’agit en outre d’un établissement regroupant des prescriptions stables, par conséquent plus faciles à automatiser », explique le Dr Danielou. Chaque semaine, l’EHPAD reçoit ainsi 8 000 sachets répartis dans 800 carnets, soit « 15 heures de production pour les automates et quatre heures de contrôle pharmaceutique avant libération », ajoute-t-elle, en insistant sur la nécessité de mettre en œuvre une réelle conduite du changement, « en prenant le temps pour que tous puissent assimiler les nouvelles organisations ». La PUI a ainsi mené plusieurs actions d’appropriation de la DIN, à la fois en ce qui concerne le réglage des automates que la prise en main des systèmes d’information associés.
 
Mais le projet a aussi eu un impact plus transversal. « À l’échelle institutionnelle, la réflexion sur le circuit du médicament et les chantiers qui en ont découlé ont nécessité la mobilisation de plusieurs services et métiers : la PUI, les EHPAD et les services de soins, bien sûr, mais aussi la direction, dont l’appui a été précieux, l’équipe informatique et les services logistiques », souligne Bertrand Merlin-Kutter. Grâce à cette large implication, la DIN a notamment pu être élargie, en décembre 2023, à l’EHPAD Mahaut de Guisnes, lui aussi rattaché au CH de Tourcoing. Pas moins de 240 résidents sont désormais concernés par la dispensation individuelle nominative de leurs traitements médicamenteux, 120 à la résidence Les Maisonnées, et 120 aussi à la résidence Mahaut de Guisnes, dont 60 pris en charge en Unité de soins de longue durée (USLD).

Des armoires sécurisées déployées en complément

Toutefois, et comme nous l’avons vu, la mise en œuvre de la DIN ne représente qu’un volet du projet d’optimisation et de modernisation du circuit du médicament. Les EHPAD, mais aussi des services hospitaliers, notamment la chirurgie, ont également été équipés d’armoires de stockage sécurisées qui « complètent parfaitement la DIN et permettent de sécuriser davantage le circuit », ajoute le Dr Adeline Danielou. Dotées d’un clavier et d’un écran tactile, directement connectées au dossier patient informatisé et donc aux données de prescriptions, ces armoires permettent d’identifier individuellement les personnes qui y prélèvent des médicaments, mais aussi et surtout de les guider, pas à pas, dans cette cueillette, avec un système d’alerte en cas d’erreur, par exemple lors d’un prélèvement dans le mauvais bac.
 
L’état des stocks est aussi suivi automatiquement et mis à jour au l de l’eau, les armoires recensant par ailleurs les numéros de lots et dates de péremption de chaque médicament disponible. « Le gain de temps est clairement perceptible pour les équipes des EHPAD », confie Bertrand Merlin- Kutter. « Les soignants n’ont plus à comptabiliser les quantités restantes pour passer les commandes ni à gérer les péremptions. Tout est désormais pris en charge par les armoires sécurisées, qui sont elles-mêmes directement gérées par la PUI : nous pré- parons les bacs et chargeons l’armoire dans chaque service », complète la pharmacienne, qui admet cependant que le gain de temps relevé par les équipes soignantes « ne concerne pas celles de la PUI ». Le système n’en est pas moins gagnant, car il offre « une visibilité et une capacité de gestion extrêmement importantes pour un circuit toujours plus sécurisé ».

Des liens renforcés entre PUI et EHPAD

Cette organisation implique aussi une plus grande mobilité des professionnels de la PUI, avec les préparateurs en pharmacie qui se déplacent désormais dans les services de soins pour assurer le réassort des armoires sécurisées. « Ce décloisonnement de la PUI, et ce tissage de nouveaux liens pérennes avec les autres services, font aussi partie des objectifs du projet », confie le Dr Adeline Danielou. Et les retours sont positifs, à la fois de la part des équipes de la pharmacie, que celles de soins. « Les infirmiers et les encadrants en poste au moment du réassort peuvent échanger avec les préparateurs et évoquer en direct les problématiques rencontrées », complète Bertrand Merlin-Kutter qui y voit aussi l’occasion, pour chacun, de « mieux connaître le métier de l’autre ».

Chaque professionnel peut en outre se recentrer sur les missions qui sont les siennes, un apport particulièrement perceptible dans les services et les EHPAD ayant opté pour l’alliance de la DIN et de l’armoire sécurisée : avec un circuit du médicament plus fluide, les soignants ont ainsi « plus de temps pour se concentrer sur le soin », souligne-t-il. « S’il leur a fallu quelques semaines pour s’approprier les nouveaux outils et organisations, les équipes des EHPAD sont aujourd’hui pleinement convaincues des bénéfices de la démarche et ont pu transférer du temps sur d'autres activités au plus près des résidents », ajoute Bertrand Merlin-Kutter. Lui aussi insiste sur la nécessité de bien accompagner le changement, en prévoyant des temps d’échanges bien en amont.
 
Encadrants, pharmaciens, préparateurs, médecins, infirmiers, équipes de nuit... Tous se sont mobilisés plusieurs mois avant le début de l’expérimentation pour réfléchir aux nouvelles organisations à mettre en place. « Cette préparation associant étroitement tous les professionnels concernés est indispensable pour qu’un tel projet puisse être mené à bien », indique-t-il. Bertrand Merlin-Kutter n’a toutefois pas constaté de résistance particulière au changement de la part des infirmiers exerçant dans les EHPAD : « Certaines craintes ont certes été évoquées quant à l’impact organisationnel des nouveaux processus, mais elles ont été rapidement balayées une fois les avantages constatés, notamment après l’installation des armoires sécurisées ».

Un 3ème EHPAD en 2025

Le succès est tel, que le centre hospitalier de Tourcoing compte étendre encore la mise en œuvre de la DIN et des armoires sécurisées. Un 3ème EHPAD, la résidence Isabeau du Bosquel, devrait ainsi se joindre prochainement au projet. « Le passage à la DIN y est programmé pour 2025 », détaille le Dr Adeline Danielou en évoquant l’équipement, dans l’intervalle, des services de médecine, de chirurgie et de pédiatrie du CH : « Il s’agit, nous l’avons dit, d’un projet institutionnel qui ne se limite donc pas aux seuls EHPAD. Nous souhaitons bien sûr que la transition se fasse au plus vite, mais il nous est dif cile de mener tous les chantiers de front. Nous avons choisi de prioriser certains services pour assurer une bonne quali cation des automates et une bonne appropriation des nouveaux outils et organisation, mais la dynamique a vocation à s’élargir progressivement, en tenant compte des contraintes locales ».
 
Ainsi, si la résidence Isabeau du Bosquel n’a pas encore été équipée de la DIN, c’est avant tout à cause de sa situation géographique : implantée en centre-ville, elle est en effet éloignée du centre hospitalier, ce qui implique un certain nombre de contraintes logistiques. « Nous souhaitons y installer des armoires sécurisées gérées par la PUI, et devons pour cela permettre à un préparateur de se transférer sur un site à distance, ce qui ajoute une complexité supplémentaire », précise la pharmacienne qui reste néanmoins con ante : « Notre méthode est aujourd’hui très structurée, je n’ai aucun doute sur le fait que nous trouverons des solutions ».

> Article paru dans Ehpadia #36, édition de juin 2024, à lire ici