Éric Batcave, directeur du pôle médico-social du groupe Ahnac. ©DR
Confinement, renforcement des mesures barrières, aménagements des visites… Ces derniers mois resteront gravés dans la mémoire de tous les acteurs du monde médico-social. Forcés de s’adapter rapidement aux nouveaux enjeux arrivés dans le sillage de la pandémie, les EHPAD ont été particulièrement marqués par cette première vague et son aspect soudain. « Sur la première partie de l’année, au-delà de la gestion des pénuries nous avons été confrontés à la gestion des paradoxes, combinés à des problèmes de communication peu favorables : des effets d’annonces sur les mesures à adopter pour circoncire la progression du virus ont laissé peu de place et de temps aux établissements et aux services pour les mettre en œuvre », constate Véronique Borriello, vice-présidente de la Fédération Nationale des Associations de Directeurs d'Établissements et Services pour Personnes Agées (FNADEPA). Après la première vague printanière, les équipes ont donc profité des semaines d’été et du début de l’automne pour « se préparer à vivre avec le virus », constate la représentante. Si certains établissements, en particulier ceux de la région parisienne, ont déjà dû se (re)plier à la règle des visites sur rendez-vous, les autres multiplient les initiatives pour garantir le respect des règles sanitaires tout en maintenant le lien avec les familles. « Dans nos établissements, nous avons conservé des espaces de visites dédiés. Nous avons également continué à dialoguer avec les familles pour expliquer la démarche et les mesures sanitaires en vigueur », confie Éric Batcave, directeur du pôle médico-social du groupe Ahnac implanté dans le nord de la France.
Mieux préparés, mieux équipés
Bruno Angeletti, directeur de L’EHPAD MBV-Bellestel. ©DR
Dans le Sud, les résidents et les familles de l’EHPAD MBV-Bellestel se rencontrent eux-aussi hors des chambres, sur rendez-vous. « La résidence possédant de nombreux espaces extérieurs, les résidents peuvent recevoir leurs familles dans les jardins et sur les terrasses en toute sécurité », explique Bruno Angeletti, directeur de l’établissement. En parallèle, les équipes de l’EHPAD varois ont pu se préparer à l’intensification des règles sanitaires : « Nous avons doublé la capacité des salles pour le personnel, renforcé les mesures d’hygiène, formé les équipes, informé les familles… », détaille le directeur. « Par rapport au printemps, les différences sont nombreuses, continue-t-il. Toutes les organisations et adaptations prévues ces derniers mois restent prêtes à être activées si nécessaire. Depuis plusieurs semaines, nous avons également pu renforcer nos stocks d’EPI [Équipements de Protection Individuels, NDLR]. Nous bénéficions également de test PCR à disposition en cas de suspicion ». Éléments centraux de la lutte contre le virus, ces tests concentrent en effet toutes les attentions. Après un printemps marqué par de nombreuses ruptures, en particulier pour les réactifs et consommables nécessaires à leur réalisation, la situation est toute autre cet automne, permettant désormais aux EHPAD de compter sur ce dispositif pour adapter leurs pratiques. « Dès qu’un membre du personnel ou un résident présente des symptômes, il est isolé. Des tests PCR sont alors réalisés au plus vite auprès de tous afin d’avoir une image de la situation interne à un instant T », explique Éric Batcave qui préconise également d’informer « en temps réel les familles sur les actions réalisées au sein d’un établissement ».
Préserver les liens sociaux en cas de reconfinement
Véronique Borriello, vice-présidente de la FNADEPA. © S.Gautier/FNADEPA
Enjeu primordial de ces derniers mois, le maintien du lien avec les familles est aussi l’une des problématiques soulevées par la crise sanitaire. Et, bien que les pouvoirs publics – Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'Autonomie, en tête – semblent vouloir éviter au maximum un reconfinement des résidents et son corollaire inévitable, la suspension des visites familiales, tous anticipent pourtant cette éventualité. Au sein de l’EHPAD MBV-Bellestel, par exemple, on continue à envoyer régulièrement des mails aux familles pour entretenir les échanges. À l’EHPAD Les Cèdres de Beaux, en Haute-Loire, les équipes ont quant à elles mis en place un système de drapeau afin de communiquer auprès des familles comme des résidents. « À l’image des drapeaux de baignade du bord de mer, quatre couleurs sont définies selon l’état de la situation de nos établissements et sur notre territoire, ainsi que les mesures qui en découlent », explique François Vérot, directeur de l’établissement.
Territorialiser les mesures
François Vérot, directeur de l’EHPAD Les Cèdres et délégué régional FNAQPA. ©DR
Allant de l’application des mesures barrières, matérialisée par le niveau vert, au confinement en chambre au niveau rouge, cette initiative a d’ailleurs été transmise à l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Auvergne-Rhône-Alpes par plusieurs organismes représentatifs de la région. En parallèle, les fédérations y ont joint une proposition de carte réalisée en lien avec le GHT de Haute-Loire, où le taux d’incidence de patients Covid est détaillé par commune. « Ce n’est pour l’instant qu’une proposition », rappelle François Vérot, aussi délégué régional de la Fédération Nationale Avenir et Qualité de Vie des Personnes Âgées (FNAQPA). « En mettant régulièrement cette carte à jour, elle permettrait de déclencher, en fonction du niveau d’alerte, des séquences de mesures sanitaires préétablies », poursuit le représentant qui espère que les autorités pourront « territorialiser » au maximum la gestion de l’épidémie pour « aider à adapter les mesures et limiter les confinements au strict nécessaire, selon la situation du bassin de vie ».
Le manque de personnel encore plus prégnant
Les enjeux vont en effet au-delà des seules questions sanitaires, puisqu’ils recouvrent aussi et surtout le bien-être des résidents et de leurs familles, ainsi que celui du personnel, « particulièrement éprouvé des derniers mois », comme tiennent à le rappeler Éric Batcave, Bruno Angeletti et Véronique Borriello. En cause : le stress dû à la gestion de la première vague, qui n’a fait qu’exacerber le manque de personnel auquel ces établissements font face depuis déjà plusieurs années. « Nos métiers et nos ratios déjà peu attractifs sont plus que jamais mis à mal depuis l’épidémie », constate Véronique Borriello. « À ce jour, 26 offres pour un poste d’aide-soignant attendent de trouver preneur en Haute-Loire. C’est déjà énorme mais ce n’est que l’arbre qui cache la forêt ! Je n’ai déposé, par exemple, qu’une annonce alors que nous aurions en réalité besoin de quatre aides-soignants. Cela laisse imaginer l’ampleur des pénuries… », raconte François Vérot. Face à une situation amplifiée par la crise sanitaire, tous espèrent des mesures concrètes. « Au-delà d’une majoration salariale valorisant la présence effective des agents et d’une revalorisation des dotations de soin, il me semble prioritaire que l’ensemble des services de État dont les ARS, l’Éducation nationale et Pôle Emploi, se mobilisent avec un vrai plan de reconquête des métiers du Grand Âge », confie le délégué régional qui appelle également à une « majoration rapide des effectifs », en créant notamment des contrats de professionnalisation et d’apprentissage. « Voilà 15 ans que l’on attend un “plan Marshall des EHPAD”, continue François Vérot. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins : les arbitrages doivent être faits au plus vite, on ne peut plus attendre le résultat d’une énième concertation ».
Article publié sur le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici.
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