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Directeur de la clinique Pasteur de Toulouse, Dominique Pons est, depuis plusieurs mois, le visage de la digitalisation des secteurs de la santé et du médico-social. « J’ai accepté cette mission nationale parce que je voulais agir », racontait l’intéressé lors d’une masterclass en ligne organisée par l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP) le 5 novembre dernier. « La révolution numérique est semblable à celle de l’imprimerie au XVème siècle. Nous devons absolument nous en saisir pour ne pas passer à côté » d’une évolution aussi structurante, a-t-il poursuivi appelant, dans le même temps, à la coopération entre l’ensemble de l’écosystème e-santé. S’il peine à s’installer dans les établissements du secteur médico-social – qui n’avaient, jusque-là, jamais encore bénéficié de plans de soutien et d’investissement similaires à ceux développés pour les hôpitaux – le digital y a néanmoins connu un réel bond dans son utilisation ces derniers mois pour répondre à la crise sanitaire. Meilleure coordination, limitation des redondances, traçabilité, aide dans la transmission d’informations entre professionnels et établissements… les avantages du numérique sont en effet nombreux dans beaucoup de domaines. « Si l’on arrive à développer ces outils numériques dans le cadre d’une sagesse collective, on peut s’en saisir pour atteindre de nombreux objectifs inatteignables par le papier ou le téléphone », a ajouté Dominique Pons.
La définition d’un cadre commun, véritable nerf de la guerre
Pour lui, le virage numérique peut emprunter deux chemins : « soit, par peur, on ne travaille pas sur ces sujets et on finit à terme par être totalement dépendant des GAFA [les géants du Web que sont Google, Apple, Facebook et Amazon – NDLR] » ; « soit on construit des outils qui nous correspondent, ensemble ». Sans surprise, Dominique Pons milite pour la deuxième voie, un virage concret et surtout collectif « afin de construire des outils qui correspondent aussi à nos valeurs : qui ne soient calqués ni sur un modèle autocratique à la chinoise, ni sur une vision ultralibérale à l’américaine ».
Pour pallier le manque « d’ordre, de vision et de cadre » qu’il voit dans notre pays, le responsable ministériel au numérique en santé appelle à l’établissement « d’un cadre souverain et éthique », « un socle commun » et « des fondations communes ». Inscrite dans la feuille de route qu’il porte depuis plus d’un an, cette action a déjà fait l’objet de plusieurs travaux et réflexions incluant, notamment, les notions de mutualisation et d’interopérabilité pour les secteurs de la santé et du médico-social.
Pour pallier le manque « d’ordre, de vision et de cadre » qu’il voit dans notre pays, le responsable ministériel au numérique en santé appelle à l’établissement « d’un cadre souverain et éthique », « un socle commun » et « des fondations communes ». Inscrite dans la feuille de route qu’il porte depuis plus d’un an, cette action a déjà fait l’objet de plusieurs travaux et réflexions incluant, notamment, les notions de mutualisation et d’interopérabilité pour les secteurs de la santé et du médico-social.
Le Ségur du numérique en santé, ou des moyens à la hauteur d’une ambition
Les établissements sanitaires et médico-sociaux bénéficieront ainsi d’une enveloppe budgétaire enrichie par le Ségur de la Santé, qui octroie deux milliards d’euros à la digitalisation, dont 600 millions d’euros pour le seul secteur médico-social. « On a multiplié le budget par vingt ! », a rappelé Dominique Pons en indiquant également que cet argent permettra, entre autres, « d’accompagner les acteurs du terrain à s’approprier le socle commun ». Établis pour cinq ans, ces crédits de 600 millions d’euros vont aussi permettre à plusieurs structures de rejoindre le plan national qui vise à accompagner les différents acteurs jusqu’à leur maturité numérique. « Si l’on s’appuie sur des gens du terrain, je suis persuadé que le médico-social aura rattrapé voire dépassé le sanitaire d’ici cinq ans », a confié Dominique Pons, saluant « la culture de la coopération et du collectif » particulièrement présente dans le secteur. « Le Ségur du numérique est notamment rendu possible par les remontés de terrain et le fond d’amorçage ESMS [établissements sociaux et médico-sociaux – NDLR] numérique », a ajouté Hela Ghariani, directrice de projets à la Délégation du Numérique en Santé (DNS).
Un fond d’amorçage de 30 millions d’euros
Participant à cette masterclass ainsi qu’à plusieurs ateliers en ligne organisés par l’Agence du Numérique en Santé (ANS), Hela Ghariani fait régulièrement part des réflexions et projets qui gravitent autour de la démarche. Ainsi, un groupe de travail a pu définir cinq sujets prioritaires pour le médico-social : le déploiement des outils, la fluidification des échanges et des parcours, la mutualisation et la coopération entre établissements. Initié par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), le fond d’amorçage est sans aucun doute l’une des premières étapes fondatrices de ce programme audacieux. Avec 30 millions d’euros, il devrait permettre de financer 800 ESMS, contre 30 000 prévus grâce au Ségur. Concrètement, le fond d’amorçage prévoit le financement de plusieurs projets mutualisés sur tout le territoire. Après avoir répondu cet hiver à l’appel à projet lancé par les différentes Agences Régionales de Santé, les candidats recevront une enveloppe en trois versements : 40 % à la signature de l’accord, 40 % à la fin du paramétrage du projet et 20 % lorsque celui-ci sera terminé. « Pour renforcer et faciliter les achats, nous allons éditer un marché national », a d’ailleurs expliqué Olivier Paul, directeur adjoint de la CNSA.
Premier pas vers une labellisation des outils numériques destinés au secteur médico-social, ce marché est aussi représentatif du travail effectué auprès des éditeurs pour limiter l’hétérogénéité des offres et monter en gamme via un cahier des charges « prenant en compte les référentiels socles et notamment les volets de l’ergonomie et de l’interopérabilité », a rappelé Myriam Danyach, directrice du programme ESMS Numérique à la CNSA, lors d’un atelier conférence organisé le 26 novembre par l’ANS. Publiés au mois de décembre 2020, ces marchés seront régulièrement mis à jour pour intégrer de nouvelles solutions et éditeurs. La dynamique semble bel et bien en marche.
Premier pas vers une labellisation des outils numériques destinés au secteur médico-social, ce marché est aussi représentatif du travail effectué auprès des éditeurs pour limiter l’hétérogénéité des offres et monter en gamme via un cahier des charges « prenant en compte les référentiels socles et notamment les volets de l’ergonomie et de l’interopérabilité », a rappelé Myriam Danyach, directrice du programme ESMS Numérique à la CNSA, lors d’un atelier conférence organisé le 26 novembre par l’ANS. Publiés au mois de décembre 2020, ces marchés seront régulièrement mis à jour pour intégrer de nouvelles solutions et éditeurs. La dynamique semble bel et bien en marche.
Article publié sur le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici.
Un accompagnement et un management mutualisés
Si le secteur médico-social accuse un certain retard en matière de digitalisation, de nombreuses initiatives naissent néanmoins partout en France. C’est le cas, par exemple, du Collectif SI médico-social des Hauts-de-France créé en 2016. Partenaire de l’Agence Régionale de Santé, il regroupe plusieurs acteurs du secteur dont l’ADMR, la FEHAP, la FHF, ou encore le Synerpa. « Ce groupe s’est constitué pour répondre à une demande du terrain, sur cette région », saluait Benoît Huet, chef de projet à l’ANAP, lors de la masterclass organisée le 5 novembre dernier. La création de tels regroupements pourrait donc bien être l’une des solutions pour accompagner les établissements dans cette transformation qui nécessitera, pour Benoît Huet, « de développer, au sein des structures, de nouvelles compétences en lien avec les systèmes informatiques, pour financer, accompagner mais aussi manager ces équipes ».