Didier Carles, directeur de la résidence Saint-Jacques Grenades-Cadours. ©DR
La résidence Saint-Jacques Grenade-Cadours a déployé le DMP depuis bientôt deux ans. Comment cela s’est-il déroulé ?
Didier Carles : La Haute-Garonne étant l’un des départements pilotes pour la mise en place du DMP, la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) a organisé une réunion avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) et les structures sanitaires et médico-sociales du département. Notre EHPAD, qui possédait déjà des dossiers de soins informatisés, s’est porté candidat pour être parmi les établissements pilotes. Nous avons ensuite travaillé avec la CPAM pour créer les comptes des résidents qui avaient donné leur accord.
Combien d’accords avez-vous obtenu lors de cette première session ?
Les premiers jours, nous avons ouvert 200 DMP. Nous avions pris le temps d’expliquer aux résidents et aux familles le fonctionnement de ce nouveau dispositif, soit en leur en parlant directement, soit en envoyant des lettres et des plaquettes explicatives. Nous avons essuyé quelques refus, principalement de la part des tuteurs et curateurs. Seul un résident n’a pas souhaité avoir de DMP.
Après plusieurs mois, ces chiffres ont-ils évolué ?
Oui, environ 210 DMP sont aujourd’hui opérationnels sur les deux sites de la résidence. Notre méthodologie a elle aussi évolué : alors que les 200 premiers DMP ont été directement ouverts sur le portail national www.dmp.fr, nous disposons désormais d’un logiciel DMP compatible et d’un module associé. Ainsi, lorsque nous créons un dossier de soins, s’il n’y a pas d’opposition, le DMP se crée automatiquement. Nous avons été parmi les premiers à bénéficier de ce module, qui nous permet de gagner du temps.
Cet outil a-t-il eu un coût pour votre résidence ?
Effectivement c’est un module payant mais pour éviter le frein budgétaire, l’État nous a accompagné. Les éditeurs ont également fait un geste en s’alignant sur les tarifs de l’Assurance maladie.
Après presque deux ans d’utilisation du DMP, quels avantages en tirez-vous ?
Je suis intimement convaincu que le numérique peut nous permettre d’améliorer la qualité des soins, en limitant la perte d’informations et en renforçant la pertinence des actes. Les pouvoirs publics ont mis du temps à déployer le DMP. Or, pour une population comme la nôtre, qui peut avoir des difficultés à exprimer son passé, il est particulièrement important de disposer d’informations centralisées retraçant le parcours de soins. Cela permet d’enrichir les consultations, tout en facilitant les échanges avec les équipes médicales.
Justement, quel a été l’impact du DMP sur vos relations avec les autres établissements du territoire ?
Nous avions déjà noué plusieurs conventions de coopération, avec le CHU de Toulouse, le Gérontopôle ou encore le Domaine de la Cadène. Le DMP a incontestablement permis de faciliter les échanges avec ces partenaires historiques, tout en ouvrant la voie à des collaborations avec d’autres structures. Cela dit, au-delà du DMP en tant que tel, les outils numériques dans leur ensemble ont un rôle à jouer pour favoriser la coordination interprofessionnelle à l’échelle territoriale. La résidence Saint-Jacques a par exemple mis en place un service de téléconsultation pour la prise en charge des troubles du comportement, mais aussi pour les plaies et cicatrisations. Nos résidents peuvent ainsi rapidement bénéficier d’un avis expert, en accédant directement à des spécialistes avec lesquels nous avons des relations bien établies. Ce lien nous permet d’adapter la prise en charge des résidents en fonction de la situation et de nos compétences.
Vous avez désormais du recul sur le déploiement du DMP. Avez-vous pu identifier des points bloquants ?
La principale difficulté que nous rencontrons aujourd’hui a trait à l’alimentation du dossier. C’est un vrai axe de progrès. Lors de la mise en place du DMP dans le département, la CPAM avait, certes, mené une campagne d’information auprès des médecins. Mais la majorité des praticiens avec lesquels nous collaborons, à l’hôpital comme en ville, ne participent pas véritablement à cette alimentation – soit par manque de temps, soit tout simplement parce qu’ils n’ont pas encore pris l’habitude de remplir le DMP. Un certain délai reste nécessaire pour que tous puissent s’approprier ce nouvel outil : quand tous les professionnels de santé seront convaincus que le DMP n’est pas une perte de temps mais bien un moyen d’augmenter la pertinence des actes de soins, cela ira mieux. Ce constat s’applique d’ailleurs également à la télémédecine et plus largement aux outils numériques, qui doivent s’ancrer culturellement pour être plus utilisés.
Quel a ici été l’accueil du personnel de l’EHPAD ?
L’impact du DMP a été très faible pour nos équipes. Cela fait plusieurs années que nous utilisons des dossiers de soins informatisés, les professionnels de l’EHPAD sont donc habitués au numérique et à l’utilisation de postes informatiques et de tablettes pour assurer la traçabilité des actes. Depuis quelques mois, nous avons même généralisé le WiFi pour renseigner le dossier de soins au plus près du résident, sans passer par un système de charge-décharge.
Pourquoi cet engagement en faveur du numérique au sein de votre établissement ?
Sans être forcément un partisan du tout numérique, il faut bien reconnaître que la technologie offre des avantages, en particulier en termes de qualité, de sécurité et de continuité des soins. Certains résidents sont d’ailleurs eux-mêmes demandeurs ! J’ai par exemple déjà réglé le WiFi sur le smartphone d’un pensionnaire âgé de 95 ans. Ce sont bien sûr des cas encore à la marge, sur les 225 résidents seule une dizaine est équipée, mais cela montre bien que nos aînés évoluent aussi dans ce monde.
Article publié sur le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici.
Didier Carles : La Haute-Garonne étant l’un des départements pilotes pour la mise en place du DMP, la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM) a organisé une réunion avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) et les structures sanitaires et médico-sociales du département. Notre EHPAD, qui possédait déjà des dossiers de soins informatisés, s’est porté candidat pour être parmi les établissements pilotes. Nous avons ensuite travaillé avec la CPAM pour créer les comptes des résidents qui avaient donné leur accord.
Combien d’accords avez-vous obtenu lors de cette première session ?
Les premiers jours, nous avons ouvert 200 DMP. Nous avions pris le temps d’expliquer aux résidents et aux familles le fonctionnement de ce nouveau dispositif, soit en leur en parlant directement, soit en envoyant des lettres et des plaquettes explicatives. Nous avons essuyé quelques refus, principalement de la part des tuteurs et curateurs. Seul un résident n’a pas souhaité avoir de DMP.
Après plusieurs mois, ces chiffres ont-ils évolué ?
Oui, environ 210 DMP sont aujourd’hui opérationnels sur les deux sites de la résidence. Notre méthodologie a elle aussi évolué : alors que les 200 premiers DMP ont été directement ouverts sur le portail national www.dmp.fr, nous disposons désormais d’un logiciel DMP compatible et d’un module associé. Ainsi, lorsque nous créons un dossier de soins, s’il n’y a pas d’opposition, le DMP se crée automatiquement. Nous avons été parmi les premiers à bénéficier de ce module, qui nous permet de gagner du temps.
Cet outil a-t-il eu un coût pour votre résidence ?
Effectivement c’est un module payant mais pour éviter le frein budgétaire, l’État nous a accompagné. Les éditeurs ont également fait un geste en s’alignant sur les tarifs de l’Assurance maladie.
Après presque deux ans d’utilisation du DMP, quels avantages en tirez-vous ?
Je suis intimement convaincu que le numérique peut nous permettre d’améliorer la qualité des soins, en limitant la perte d’informations et en renforçant la pertinence des actes. Les pouvoirs publics ont mis du temps à déployer le DMP. Or, pour une population comme la nôtre, qui peut avoir des difficultés à exprimer son passé, il est particulièrement important de disposer d’informations centralisées retraçant le parcours de soins. Cela permet d’enrichir les consultations, tout en facilitant les échanges avec les équipes médicales.
Justement, quel a été l’impact du DMP sur vos relations avec les autres établissements du territoire ?
Nous avions déjà noué plusieurs conventions de coopération, avec le CHU de Toulouse, le Gérontopôle ou encore le Domaine de la Cadène. Le DMP a incontestablement permis de faciliter les échanges avec ces partenaires historiques, tout en ouvrant la voie à des collaborations avec d’autres structures. Cela dit, au-delà du DMP en tant que tel, les outils numériques dans leur ensemble ont un rôle à jouer pour favoriser la coordination interprofessionnelle à l’échelle territoriale. La résidence Saint-Jacques a par exemple mis en place un service de téléconsultation pour la prise en charge des troubles du comportement, mais aussi pour les plaies et cicatrisations. Nos résidents peuvent ainsi rapidement bénéficier d’un avis expert, en accédant directement à des spécialistes avec lesquels nous avons des relations bien établies. Ce lien nous permet d’adapter la prise en charge des résidents en fonction de la situation et de nos compétences.
Vous avez désormais du recul sur le déploiement du DMP. Avez-vous pu identifier des points bloquants ?
La principale difficulté que nous rencontrons aujourd’hui a trait à l’alimentation du dossier. C’est un vrai axe de progrès. Lors de la mise en place du DMP dans le département, la CPAM avait, certes, mené une campagne d’information auprès des médecins. Mais la majorité des praticiens avec lesquels nous collaborons, à l’hôpital comme en ville, ne participent pas véritablement à cette alimentation – soit par manque de temps, soit tout simplement parce qu’ils n’ont pas encore pris l’habitude de remplir le DMP. Un certain délai reste nécessaire pour que tous puissent s’approprier ce nouvel outil : quand tous les professionnels de santé seront convaincus que le DMP n’est pas une perte de temps mais bien un moyen d’augmenter la pertinence des actes de soins, cela ira mieux. Ce constat s’applique d’ailleurs également à la télémédecine et plus largement aux outils numériques, qui doivent s’ancrer culturellement pour être plus utilisés.
Quel a ici été l’accueil du personnel de l’EHPAD ?
L’impact du DMP a été très faible pour nos équipes. Cela fait plusieurs années que nous utilisons des dossiers de soins informatisés, les professionnels de l’EHPAD sont donc habitués au numérique et à l’utilisation de postes informatiques et de tablettes pour assurer la traçabilité des actes. Depuis quelques mois, nous avons même généralisé le WiFi pour renseigner le dossier de soins au plus près du résident, sans passer par un système de charge-décharge.
Pourquoi cet engagement en faveur du numérique au sein de votre établissement ?
Sans être forcément un partisan du tout numérique, il faut bien reconnaître que la technologie offre des avantages, en particulier en termes de qualité, de sécurité et de continuité des soins. Certains résidents sont d’ailleurs eux-mêmes demandeurs ! J’ai par exemple déjà réglé le WiFi sur le smartphone d’un pensionnaire âgé de 95 ans. Ce sont bien sûr des cas encore à la marge, sur les 225 résidents seule une dizaine est équipée, mais cela montre bien que nos aînés évoluent aussi dans ce monde.
Article publié sur le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici.