Nous, personnes vieilles de tous âges, réunies au sein du CNaV, tenons à dire que nous aimons puissamment la vie. Nous souhaitons pouvoir continuer de la vivre bien, le plus longtemps possible. Nous comptons sur la société pour que cela devienne possible pour tous, particulièrement pour ceux qui sont en situation de grand isolement ou de grande vulnérabilité sociale. La première urgence est de faire en sorte que tous aient les moyens de bien vivre, jusqu’au bout de la vie. Si nous prenons la parole solennellement aujourd’hui à propos de la mort et des conditions du mourir, c’est moins au nom de notre âge qu’au nom de nos années de vie accumulées, parce qu’une certaine maturité existentielle vient avec elles, qui aide souvent à discerner l’essentiel.
Trois points fondamentaux
Pourquoi ? Par principe. Parce que c’est l’un des derniers droits fondamentaux qui reste à obtenir, après celui de faire ou non un enfant quand on le veut. Une société qui en est à considérer possible, en les accompagnant, de laisser de jeunes adolescents décider de changer de genre, peut-elle continuer d’interdire à ses citoyens d’âge mûr de ne pas avoir leur mot à dire quant à leur mort ?
Comment ? La mort idéale est pour nous une mort apaisée, qui survient plutôt chez soi qu’à l’hôpital ; à chacun d’en décider, et de se laisser aussi la possibilité de changer d’avis même in extremis sur ce point ; une mort que l’on n’affronte pas seul, mais accompagné par ceux que l’on aime, après avoir pris le temps de les convaincre d’accepter sereinement notre décision et d’être présents à nos côtés le moment venu ; une mort enfin, accompagnée pour ceux qui le souhaitent par des soins palliatifs ou tout autre professionnel de santé dont ils aimeraient l’aide et la présence.
Quand ? A chacun de fixer son heure en fonction de ses propres critères, en sachant respecter que ceux-ci puissent varier avec le temps. Le très grand âge devrait aussi pouvoir être reconnu comme ouvrant l’accès à ce nouveau droit, à partir du moment où il en arrive à rendre la vie vraiment insupportable.
Donner à chacun les moyens de s’autodéterminer de façon libre et éclairée, ainsi que d’accéder à l’accompagnement à mourir qui lui convient le mieux.
Une consultation de Fin de vie : Tous ceux qui le souhaitent devraient pouvoir avoir accès à une consultation de Fin de vie, organisée et mise à disposition par le système de santé. Il s’agit qu’il devienne possible de rencontrer aussi souvent que nécessaire, quelqu’un capable de discuter de toutes les questions que l’on se pose sur sa fin de vie.
Non nécessairement médicalisée : Ces consultations, du moins les premières d’entre elles, pourraient être assurées par des accompagnateurs ou des médiateurs sociaux ou citoyens, de façon à décharger pour partie le corps soignant d’une mission fortement consommatrice de temps et d’énergie.
Un droit à mourir pouvant être exercé par nous-mêmes : Beaucoup parmi nous sont prêts, s’il le faut, à agir par eux-mêmes, par suicide assisté, aidés par de simples citoyens, en toute liberté, responsabilité et autonomie. Mais d’autres, ainsi que beaucoup de nos concitoyens préfèreront pouvoir rencontrer un médecin lors de cette préparation à mourir, et aussi qu’un médecin soit là le jour venu pour faciliter le passage, avec bienveillance et compétence, un médecin volontaire, d’accord avec la démarche et formé à la mener à bien.
Un droit sécurisé juridiquement et institutionnellement : Si la loi ouvre enfin ce nouveau droit, autorisant le suicide assisté ou l’aide médicale à mourir, il reviendra aux pouvoirs publics de faire en sorte que le dispositif administratif ainsi que la procédure technique pour y accéder, soient parfaitement sécurisés, fiables et accessibles de façon égale et sans faille sur tout le territoire.
Parler de la mort en société, la socialiser, nous sommes prêts à y participer activement ! Parlons de ce sujet partout ! Cela ne fait pas mourir ! Parlons-en à tous les âges, à tous les étages de la société, sous toutes les formes possibles, à l’école, à l’Université, dans les entreprises au titre de leur responsabilité sociale, et partout ailleurs où cela sera pertinent. Multiplions les lieux et les permanences citoyennes, sur tout le territoire, où pourront être accueillis ceux qui veulent parler de la mort, de ses tenants et aboutissants, de ses mystères, des craintes qu’elle engendre, du désir de responsabilité, de passation, de transmission, qu’elle suscite.
Faisons-nous confiance. La société ne peut que grandir à donner à ses membres la liberté de mieux penser et assumer leur mort.