Laurent Garcia a la voix douce et posée pour un râleur et c’est certainement ce qui fait de lui un « bon client » sur les plateaux de radio et de télévision où il égrène son indignation. Un rôle que le cadre de santé endosse depuis la crise Covid non sans plaisir, avouant apprécier cette lumière qui lui permet de défendre sa cause. « Si aujourd’hui, il y a beaucoup de monde à l’OGRA, c’est parce que les gens me connaissent », explique-t-il. Lui, et Florence Aubenas, sa vice-présidente. Un fait dont il a pleinement conscience.
Du Covid aux Fossoyeurs
Tout commence par le vibrant reportage en immersion écrit par la journaliste pendant le premier confinement,* valant à Laurent Garcia d’être identifié par les médias comme porte-parole officieux des personnels d’EHPAD, même s’il s’en défend. Puis, c’est la sortie des Fossoyeurs, dont il est l’un des lanceurs d’alerte.
Son passage par l’EHPAD Les Bords de Seine et les trois années d’investigation nécessaires à la publication du livre ne l’ont pas laissé intact. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est la souffrance. Aussi bien d’un petit salarié comme moi, que des directeurs ». Une souffrance mêlée à la terreur de faire face à un groupe d’une telle envergure. Lui y sera resté 8 mois, entre juin 2016 et janvier 2017, période pendant laquelle il perd 8 kilos.
S’en suivent la déferlante médiatique et des retombées auxquelles Laurent Garcia ne s’attendait pas, dont quelques dégâts collatéraux. « Ça a libéré la parole chez les soignants, ce qui est mieux que rien. Mais beaucoup ont aussi décidé de quitter le métier », constate-t-il. A posteriori, les effets de l’indignation généralisée lui laissent aussi un goût mi-amer. « Les choses n’ont finalement pas tant avancé que ça ». « ORPEA est toujours là », poursuit-il, choqué qu’aucun de ses dirigeants n’ait eu à subir la moindre garde à vue, et ce, malgré les détournements d’argent public révélés par l’enquête. Qu’à cela ne tienne ! « Le combat n’est pas encore terminé ».
Son passage par l’EHPAD Les Bords de Seine et les trois années d’investigation nécessaires à la publication du livre ne l’ont pas laissé intact. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est la souffrance. Aussi bien d’un petit salarié comme moi, que des directeurs ». Une souffrance mêlée à la terreur de faire face à un groupe d’une telle envergure. Lui y sera resté 8 mois, entre juin 2016 et janvier 2017, période pendant laquelle il perd 8 kilos.
S’en suivent la déferlante médiatique et des retombées auxquelles Laurent Garcia ne s’attendait pas, dont quelques dégâts collatéraux. « Ça a libéré la parole chez les soignants, ce qui est mieux que rien. Mais beaucoup ont aussi décidé de quitter le métier », constate-t-il. A posteriori, les effets de l’indignation généralisée lui laissent aussi un goût mi-amer. « Les choses n’ont finalement pas tant avancé que ça ». « ORPEA est toujours là », poursuit-il, choqué qu’aucun de ses dirigeants n’ait eu à subir la moindre garde à vue, et ce, malgré les détournements d’argent public révélés par l’enquête. Qu’à cela ne tienne ! « Le combat n’est pas encore terminé ».
Travail en EHPAD entre joie et colère
Pour autant, Laurent Garcia tient à le préciser, il n’a rien contre les groupes privés. « Il faut du privé, du public, de l’associatif, que les gens aient le choix ». Il ne garde d’ailleurs que de bons souvenirs de ses deux années et demie passées chez Korian. Car cet ancien infirmier libéral, cadre de santé depuis 15 ans, mais qui préfère se définir comme « ambianceur », est passé par un certain nombre d’établissements. Il faut dire que sa façon de manager, n’hésitant pas à « gueuler face à la direction » et à jouer la franchise avec les familles, lui a souvent valu d'être « remercié ».
De son parcours, Laurent Garcia retient la révolte. « Pendant 15 ans, j’ai jonglé entre joie et colère. Il peut se passer de très jolies choses en EHPAD, mais nous n’avons pas de moyens ». Et c’est un regard désabusé qu’il porte sur l’action des pouvoirs publics. « On nous promet des choses, mais il ne se passe rien. On a l’impression de repartir à zéro tous les 5 ans ».
De son parcours, Laurent Garcia retient la révolte. « Pendant 15 ans, j’ai jonglé entre joie et colère. Il peut se passer de très jolies choses en EHPAD, mais nous n’avons pas de moyens ». Et c’est un regard désabusé qu’il porte sur l’action des pouvoirs publics. « On nous promet des choses, mais il ne se passe rien. On a l’impression de repartir à zéro tous les 5 ans ».
Lever le voile sur le grand âge
Fatigué, tant physiquement qu’émotionnellement, par « un système à revoir entièrement », qui pousse – aussi bien dans le privé que dans le public – à remplir des lits à tout prix, Laurent Garcia pense bientôt tirer sa révérence de cadre de santé. Il entend désormais poursuivre ce qu’il appelle « le combat de [s]a vie » sur une autre voie, celle de l’OGRA, l’Observatoire du Grand Âge, dont il est le président et fondateur.
Le concept de cette association indépendante a germé en lui, il y a six ans. Une histoire de rencontres, notamment avec Delphine Boesel, alors présidente de l’Observatoire International des Prisons, l’incitant à penser que le grand âge, ce secteur qui a « l’habitude des huis clos », aurait tout à gagner des travaux d’un tel organisme. Ce sont finalement Florence Aubenas et quelques-uns de ses proches qui le poussent à concrétiser ce qui n’est alors qu’une idée.
Trois années. C’est le temps qu’il aura fallu pour rendre l’OGRA opérationnel et préciser les contours de cet observatoire qui entend « défendre les droits et les libertés des plus âgés en situation de vulnérabilité et des professionnels qui les accompagnent ». Comment ? En observant et en rendant visibles les conditions de vie et de travail de ces derniers et en menant des actions auprès des pouvoirs publics et de la Justice.
Le concept de cette association indépendante a germé en lui, il y a six ans. Une histoire de rencontres, notamment avec Delphine Boesel, alors présidente de l’Observatoire International des Prisons, l’incitant à penser que le grand âge, ce secteur qui a « l’habitude des huis clos », aurait tout à gagner des travaux d’un tel organisme. Ce sont finalement Florence Aubenas et quelques-uns de ses proches qui le poussent à concrétiser ce qui n’est alors qu’une idée.
Trois années. C’est le temps qu’il aura fallu pour rendre l’OGRA opérationnel et préciser les contours de cet observatoire qui entend « défendre les droits et les libertés des plus âgés en situation de vulnérabilité et des professionnels qui les accompagnent ». Comment ? En observant et en rendant visibles les conditions de vie et de travail de ces derniers et en menant des actions auprès des pouvoirs publics et de la Justice.
Contre-pouvoir
Avec déjà 2 000 adhérents, l’association rêve en effet d’endosser le rôle de contre-pouvoir. « On veut être un gros caillou dans la chaussure des politiques », développe Laurent Garcia, et notamment entreprendre du lobbying pour arriver à la création d’une autorité indépendante de contrôle des EHPAD. Mais pas seulement. Si l’OGRA a vocation à remonter les difficultés rencontrées sur le terrain, son objectif est également de partager ce qui se fait de bien. « De trouver les pépites, et il y en a beaucoup », précise son président.
Pour ce faire, des ateliers participatifs ouverts à tous, adhérents ou non, ont commencé à être mis en place. Le premier dédié à la Qualité de Vie au Travail (QVT), et dont le compte-rendu sera bientôt consultable sur le site de l’OGRA, s’est ainsi réuni le 13 octobre dernier. Les autres, consacrés à « la dignité et au droit des résidents », à « la qualité de vie des résidents » et à « la dimension politique et aux contrôles », devraient être mobilisés sous peu. De son côté, Laurent Garcia espère bien que son œuvre portera ses fruits, lui permettant, un jour, de s’y consacrer pleinement. En attendant, il compte se préparer, et c’est pourquoi dès décembre, il entreprendra une formation de consultant.
* « À l’EHPAD des Quatre-Saisons, la vie et la mort au jour le jour », publié sur le site du journal Le Monde, le 31 mars 2020.
Article publié dans le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici
Pour ce faire, des ateliers participatifs ouverts à tous, adhérents ou non, ont commencé à être mis en place. Le premier dédié à la Qualité de Vie au Travail (QVT), et dont le compte-rendu sera bientôt consultable sur le site de l’OGRA, s’est ainsi réuni le 13 octobre dernier. Les autres, consacrés à « la dignité et au droit des résidents », à « la qualité de vie des résidents » et à « la dimension politique et aux contrôles », devraient être mobilisés sous peu. De son côté, Laurent Garcia espère bien que son œuvre portera ses fruits, lui permettant, un jour, de s’y consacrer pleinement. En attendant, il compte se préparer, et c’est pourquoi dès décembre, il entreprendra une formation de consultant.
* « À l’EHPAD des Quatre-Saisons, la vie et la mort au jour le jour », publié sur le site du journal Le Monde, le 31 mars 2020.
Article publié dans le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici