Les escarres, ou plaies de pression, ne sont pas des pathologies anodines, eu égard à leurs impacts sur la santé et la qualité de vie des personnes touchées, mais aussi sur les durées de séjours hospitaliers – dont l’allongement se traduit par une augmentation des coûts pour la collectivité. Un enjeu dont s’est saisie l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Île-de-France avec son programme « Sauve Ma Peau », destiné aux établissements sanitaires et médico-sociaux de la région. « Cette campagne lancée en 2013, mais aussi le programme Pare À Chute qui avait vu le jour en 2016, ont, tous deux, été portés par le Dr Samia Lévy-Djebbour, qui coordonnait alors l’efficience des pratiques à l’ARS. Elle était d’ailleurs très impliquée dans la prévention de l’ensemble des événements indésirables associés aux soins », se souvient le Dr Marina Martinowsky, désormais en charge du suivi de ces projets au sein de l’ARS Île-de-France. Multipliant les contacts avec les équipes soignantes, le Dr Lévy-Djebbour avait aussi coordonné la première enquête de prévalence du risque d’escarres, menée en 2015 dans plus de 200 établissements franciliens. « Couplé à des réunions régionales et départementales régulières, ce travail a permis d’initier une réelle dynamique dont les effets sont encore perceptibles », salue Marina Martinowsky. Pour maintenir et renforcer cette mobilisation collective, l’ARS a souhaité financer trois nouveaux outils de formation et de sensibilisation utilisables à grande échelle. Retenus suite à l’appel d’offre lancé en 2017, les projets lauréats ont été présentés en septembre dernier, à l’occasion de la réunion de lancement de la 3ème enquête de prévalence du risque escarre.* Une date qui ne doit rien au hasard. Si les deux premiers projets étaient visibles sur le site de l’ARS depuis déjà plusieurs mois, le troisième et peut-être le plus atypique, un serious game intitulé « Sauve Ma Peau 2.0 », n’a été mis en ligne qu’à la fin du mois de septembre.**
« Sauve Ma Peau 2.0 » pour renouveler la prévention
« Dans sa conception et sa forme, ce 3ème projet était plus ambitieux et nécessitait donc plus de temps avant de pouvoir être publié », explique Marina Martinowsky. Portée par l’équipe mobile Plaies et Cicatrisation du Groupe Hospitalier Sud Île-de-France (GHSIF), situé à Melun en Seine-et-Marne, l’initiative se présente sous la forme d’un jeu vidéo gratuit proposant au joueur d’incarner un aide-soignant, un infirmier, un médecin ou un patient chargé d’une mission : prévenir, détecter et soigner des escarres. « Malgré tous nos efforts, nous n’arrivions pas à améliorer durablement la prévention de ce risque au sein de nos services de soins. Nous avons donc voulu proposer un nouvel outil ludique et rapide pour diversifier la formation accessible dans ce domaine », expliquent Caroline Van Wijk et Caroline Vavon, respectivement infirmière diplômée d’État et ergothérapeute au GHSIF. Pour les aider dans cette démarche, elles ont à la fois pu compter sur l’ARS, sur la Structure Régionale d'Appui à la qualité et à la sécurité des soins (STARAQS), qui a désormais repris le programme Sauve Ma Peau, et sur CCCP, un studio de développement de jeux vidéo. « C’est un formidable exemple de co-construction entre différentes équipes et compétences, pour proposer un outil de simulation en santé innovant », souligne Marina Martinowsky.
Trois outils et autant d’approches
« Sauve Ma Peau 2.0 » a été proposé par l’équipe mobile Plaies et Cicatrisation du Groupe Hospitalier Sud Île-de-France. ©DR
Les deux autres projets lauréats, qui ont, eux, été lancés en 2019, n’en sont pas moins intéressants. Le premier, développé par la clinique Conti (Val d’Oise), un établissement du Groupe Elsan, offre un format plus classique : il s’agit d’un kit pour monter une formation en salle, et plus particulièrement de « trois ateliers de dix minutes chacun, animés par un médecin, un infirmier coordonnateur et un diététicien, afin d’aborder différents points en lien avec les escarres, comme la prévention, la dénutrition… », explique Aline Lheureux, la responsable des soins. Testée dans le département, l’initiative a d’ores-et-déjà permis de former plusieurs soignants, parmi lesquels des professionnels intervenant à domicile. Car c’est là un point commun à tous ces projets : ils sont pensés pour être accessibles à tous et s’adresser à tous types de profils. « Nous voulions créer un outil simple, utilisable par les soignants, par les patients et les aidants », raconte ainsi Sylvie Drot, responsable qualité de l’hôpital Marie Lannelongue, un établissement de santé privé d’intérêt collectif implanté au Plessis-Robinson, dans les Hauts-de-Seine, et rattaché au Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph. Il est à l’origine du deuxième projet lauréat, un outil de e-learning simple et ludique, qui « peut être utilisé chez soi ou intégré à des journées “escarres” », indique Sylvie Drot. En sélectionnant une solution de e-learning pédagogique, un kit de formation dynamique et un serious game atypique, le programme Sauve Ma Peau semble bien parti pour relever un défi ambitieux : sensibiliser les professionnels mais aussi le grand public à la prévention des plaies de pression. « La diversité de l’offre proposée était un objectif majeur de notre appel à projet, insiste Marina Martinowsky. Choisir trois initiatives nées dans des établissements aux profils différents était, aussi, un moyen de multiplier les approches et points de vue, et de toucher ainsi un public plus large ».
* Revoir les vidéos et le résumé des interventions de la réunion du 29 septembre dernier sur www.staraqs.com/copie-de-nos-activités.
** Les trois lauréats ont été référencés sur le site de l’ARS : www.iledefrance.ars.sante.fr/sauve-ma-peau-maitriser-le-risque-escarre.iledefrance.ars.sante.fr/sauve-ma-peau-maitriser-le-risque-escarre .
Quels dispositifs pour la prévention des escarres ?
Touchant principalement des personnes de plus de 80 ans, et situées, pour 80 % d’entre elles, aux talons et au sacrum, les escarres sont le plus souvent dues à des actions de pression, de friction ou de cisaillement. Ce ne sont pourtant pas les seuls facteurs favorisants : à ces paramètres mécaniques s’ajoutent le microclimat – une peau constamment humide est plus à risques – l’immobilité, la dénutrition, l’incontinence, la baisse du débit circulatoire, l’âge, l’état cutané, ou même la pose de dispositifs médicaux contraignants. De plus en plus de professionnels de santé utilisent donc désormais des pansements en préventif, positionnés sur les zones à risque d’escarres. « Les pansements dans cet usage ne sont pas remboursés et, il faut bien le rappeler, ne se substituent pas aux autres mesures de prévention. Néanmoins, ils permettent d’amortir les chocs ce qui limite les risques de friction et de cisaillement », notait le Dr Sylvie Meaume, cheffe du service Gériatrie, Plaies et Cicatrisation de l’Hôpital Rothschild (AP-HP) lors de la conférence du 29 septembre dernier. La spécialiste recommande de privilégier ici des pansements hydrocolloïdes, hydrocellulaires multicouches ou des films de polyuréthane.
Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici.