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Confort de vie

À Nice, la réminiscence au cœur de plusieurs études


Publié le Mercredi 5 Juillet 2023 à 09:13

Au CHU de Nice, les émotions des personnes âgées en EHPAD et leur corollaire – troubles de l’humeur et/ou du comportement – font aujourd’hui l’objet de plusieurs études cliniques, menées dans le cadre du programme Nice Bien Vieillir 2030 et de son successeur, Nice Bien Vieillir Ensemble. C’est notamment le cas de « Réminiscence et Émotions », qui cherche à évaluer la pertinence de la thérapie par réminiscence en réalité virtuelle, et des travaux autour du repérage des troubles de stress post-traumatique en lien avec l’actualité, deux champs encore peu explorés. Explications.


« Bien qu’ils soient de plus en plus utilisés dans les EHPAD, les casques de réalité virtuelle sont, aujourd’hui encore, majoritairement destinés à un usage récréatif. Ils y constituent d’ailleurs une animation à part entière, dont l’impact est bénéfique en termes de qualité de vie. Partant de ce constat, nous nous sommes demandé si cette technologie ne pouvait pas être également utilisée dans le cadre de la thérapie par réminiscence, pour réduire les troubles de l’humeur chez les résidents à des stades légers à modérés de la maladie d’Alzheimer », explique Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, psychologue clinicienne et docteure en psychologie au CHU de Nice. Consistant à rappeler à la personne des souvenirs en lui présentant des objets de son passé, la thérapie par réminiscence est inscrite depuis 2015 dans les thérapies psychosociales recommandées par la Haute Autorité de Santé. Dans son format ‘classique’, elle a déjà montré de bons résultats chez les personnes âgées souffrant de troubles de l’humeur. Quid lorsqu’elle est déclenchée par réalité virtuelle ? « Peu d’études existent à ce jour autour de la réalité virtuelle comme support thérapeutique chez les personnes en institution. C’est un champ qu’il nous a semblé intéressant de creuser dans le cadre du programme Nice Bien Vieillir 2030, initié par le Professeur Olivier Guérin, chef du pôle Réhabilitation, Autonomie, Vieillissement au CHU », poursuit-elle.

Des effets bénéfiques y compris dans le groupe de contrôle

Lancée en décembre 2020, l’étude clinique « Réminiscence et Émotions » – portée, donc, par Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz –, s’est ainsi attachée à évaluer la pertinence de la thérapie par réminiscence en réalité virtuelle chez les personnes souffrant de troubles de l’humeur. Menée auprès de quatre EHPAD et USLD, elle a inclus 27 résidents, répartis en deux groupes. « Nous avons retenu l’approche d’une étude multicentrique randomisée avec, d’une part, un groupe de résidents bénéficiant de vidéos personnalisées filmées sur leurs anciens lieux de vie ou des lieux connus, et de l’autre un groupe de contrôle, auprès duquel sont projetées des vidéos non personnalisées », décrit Cassandra Quin, psychologue clinicienne sur le terrain, qui a elle-même réalisé les supports personnalisés sur la base de l’anamnèse menée en amont auprès de chaque résident inclus dans le groupe Réminiscence, en lien avec les familles et les équipes soignantes. « Je pouvais ainsi identifier les lieux susceptibles de réveiller la mémoire et les émotions de ces personnes », indique-t-elle.

Après une évaluation initiale pour décrire les troubles de l’humeur constatés chez chaque participant, tous ont bénéficié de sessions de réalité virtuelle deux fois par semaine – soit 12 séances au total, sur une période de six semaines –, effectuées dans une pièce au calme, en présence d’un psychologue. « Cet accompagnement est essentiel, il ne s’agit pas de laisser le résident seul avec un casque devant les yeux ! », insiste Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz. Surveillés et décrits par les soignants, les changements d’humeur et/ou de comportements ont ensuite fait l’objet d’une seconde évaluation à l’issue des douze séances. « Les résultats de l’étude sont en cours de finalisation et devraient être publiés dans une revue scientifique d’ici le début de l’année 2024. Mais nous avons déjà de premières observations cliniques. Et, à notre grande surprise, la réalité virtuelle semble avoir des effets positifs auprès des deux groupes », sourit Cassandra Quin.

Une phase 2 en cours de préparation

Soulignant l’acceptation de la technologie par les résidents qui y ont été confrontés – « nous n’avons constaté aucun cybermalaise chez les participants » –, le Dr Vaillant-Ciszewicz indique en effet qu’une baisse des troubles anxieux, dépressifs et apathiques a été observée dans les deux groupes, avec un « score statistiquement significatif en ce qui concerne l’anxiété dans le groupe personnalisé ». Mais cela reste à quantifier et à objectiver. « D’autres paramètres devraient probablement être pris en compte pour expliquer ces résultats. Peut-être y a-t-il aussi un effet de surprise face à une technologie nouvelle et très immersive. Il est également possible que le cadre général de l’étude pilote soit lui-même favorisant, avec une meilleure prise en considération de la personne et de son histoire de vie, et la tenue d’une activité stimulante, qui vient rompre la routine du quotidien », note-t-elle.

Des biais dont Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz aimerait s’affranchir dans la phase 2 de l’étude, « peut-être en développant un environnement immersif plus neutre pour le groupe de contrôle, et surtout des indicateurs de mesure plus objectifs, par exemple via des capteurs directement intégrés au casque de réalité virtuelle afin d’identifier la survenue d’une émotion positive, sans nécessairement la caractériser ». Cette étape, qui devrait être menée dans le cadre du programme Nice Bien Vieillir Ensemble – faisant lui-même suite à Nice Bien Vieillir 2030 –, permettrait alors d’établir « un processus protocolisé, inscrit dans une approche scientifique, afin que la thérapie par réminiscence en réalité virtuelle puisse véritablement trouver sa place dans l’arsenal des thérapies non médicamenteuses », indique-t-elle.

Les psychotraumatismes, autre champ en cours d’exploration

En attendant, le Dr Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz a lancé une nouvelle étude, co-portée avec le Pr Olivier Guérin, autour d’un sujet qui l’intéresse tout particulièrement : le repérage du trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les aînés, en lien avec l’actualité. « Les événements récents, Covid, guerre en Ukraine, pénuries alimentaires, sont anxiogènes, a fortiori pour les résidents dans les EHPAD et USLD, chez qui ils peuvent réactiver des traumatismes anciens. Pour justement mieux repérer l’impact psychologique de l’actualité chez les personnes en institution, nous avons développé un protocole de recherche validé par le comité éthique de l’Université Côte d’Azur », explique-t-elle.

Cette étude exploratoire multicentrique, actuellement menée auprès de cinq établissements et incluant déjà 34 participants sur les 50 prévus, est notamment basée sur la réalisation d’entretiens semi-directifs par des gérontopsychologues formés au psychotraumatisme. « Celui-ci est néanmoins est encore peu connu et étudié chez le sujet âgé. D’ailleurs, les quelques études disponibles sur ce champ se contredisent. Certaines laissent entendre que les symptômes de TSPT chez le senior seraient les mêmes que chez l’adulte, d’autres estiment qu’ils se manifesteraient plutôt par une forme de retrait affectif. Il n’existe en outre aucune échelle validée pour le repérage des TSPT chez les personnes âgées. Nous utilisons celles développées pour les adultes, mais elles ne sont pas véritablement adaptées. À terme, la création d’une échelle dédiée sera d’ailleurs indispensable, et notre étude pourrait servir de base de départ », détaille le Dr Vaillant-Ciszewicz.

Des besoins « réels mais méconnus »

Prévue pour durer jusqu’en septembre, celle-ci devrait mener à la publication d’un article avant la fin de l’année. Et, en fonction des résultats, une phase 2 pourrait être lancée dans le cadre du programme Nice Bien Vieillir Ensemble, qui sera lui-même mis en œuvre à partir de janvier 2024. « Nous pouvons néanmoins déjà évoquer quelques premières observations cliniques. Ainsi, chez des résidents ayant connu la Seconde Guerre Mondiale, l’actualité de ces 24 derniers mois est effectivement anxiogène, mais la plupart n’en parlent pas spontanément. Pourtant, un soutien psychologique serait ici adapté. Peut-être faudrait-il développer des recommandations en ce sens. D’autres participants indiquent avoir pris de la distance par rapport aux événements récents, mais il nous faut creuser encore ce point. S’agit-il de ce retrait affectif dont nous parlions plus haut ? Il nous est difficile de nous prononcer à ce stade de l’étude », précise-t-elle en évoquant ici son souhait de poursuivre aussi les travaux menés dans le cadre de sa thèse universitaire, qui portait sur l’adaptation du protocole EMDR à la personne âgée en EHPAD avec troubles cognitifs sévères. « Ce serait une piste thérapeutique pour mieux prendre en charge le TPST chez le sujet âgé avec troubles cognitifs, d’autant que comme nous sommes en train de le voir, les besoins sont bien réels mais méconnus ».

Article publié dans le numéro de juin d'Ehpadia à consulter ici



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